Le bisphénol : un danger toujours d’actualité ?
Vous avez certainement entendu parler de cette star de la grande famille des perturbateurs endocriniens : le Bisphénol A (ou BPA). Un chef de file, même : c’est en questionnant sa présence dans les biberons de nos bébés que l’énorme pelote des dangers des perturbateurs endocriniens dans notre quotidien a commencé à être déroulée (et on n’en voit pas la fin).
De l’histoire ancienne, ce BPA ? Hélas, ça n’est pas si simple… Plus de 30 ans après la découverte des dangers du bisphénol A, plus de 15 ans après la mise en cause de sa présence dans les biberons, où en est-on ?
Le Bisphénol A, kézako ?
Comment le bisphénol A a conquis notre quotidien
Le Bisphénol A n’existe pas à l’état naturel : cette substance chimique de synthèse est (encore) l’une de nos inventions d’apprentis sorciers. Dont on a longtemps été très fiers : résistant, léger, durable… de sacrés arguments pour une utilisation à grande échelle !
Le BPA ne fait les gros titres que depuis 15 ans mais il n’a rien d’un petit nouveau. Synthétisé au début des années 1890, il s’est multiplié dans les produits de grande consommation dès les années 1940 pour … protéger notre santé. Non, ça n’est pas une blague ! Hop, une couche de résine à base de BPA pour tapisser l’intérieur des boîtes de conserve, et les aliments étaient préservés des altérations liées au contact avec le métal. Une bonne idée, en théorie.
Par la suite, on l’adorait tellement qu’on l’a mis partout via les résines époxy utilisées comme revêtements (adhésifs, isolants, plastifiants, enduits…) et les plastiques de type polycarbonate que le BPA rend extrêmement résistants aux chocs et à la chaleur.
Conserves et canettes, toujours, mais aussi couvercles métalliques, bouteilles plastiques, emballages d’aliments transformés, films étirables, vaisselle, biberons et gobelets pour enfants se sont mis au bisphénol A. Il s’est invité dans nos scellants dentaires, lentilles de contact, pièces électroniques et automobiles, articles de sport et même dans les jouets ! Jusqu’aux tickets de caisse : le BPA est un révélateur pour l’impression des papiers thermiques.
Résultat : en 2011, alors que le scandale avait déjà éclaté, l’ANSES recensait une soixantaine de secteurs utilisant le BPA dans des produits de grande consommation.
Aux sources du scandale bpa : les lanceur·se·s d’alerte
Nous sommes en 1989.
Le BPA est très (très !) largement présent dans tous nos objets du quotidien et personne n’y trouve rien à redire : il a parfaitement contribué à nous simplifier la vie (et développer la société de consommation au passage).
Mais dans un laboratoire de recherche, quelque chose ne tourne pas rond dans des tubes à essai en plastique : Ana Soto, biologiste, et Carlos Sonneschein, pédiatre endocrinologue et cytogénéticien, constatent que les cellules témoins cultivées dans ces tubes présentent un développement bien supérieur à celui des cellules testées dans d’autres récipients. Ils identifient alors que des œstrogènes synthétiques sont émis par leurs tubes en plastique.
Ils viennent de mettre le doigt sur l’effet de perturbateur endocrinien du BPA. Que d’autres études vont approfondir au cours des années suivantes, dressant un portrait franchement peu réjouissant du si banal Bisphénol A…
Ana Soto va contribuer de façon décisive à notre compréhension des dangers des perturbateurs endocriniens en identifiant qu’avec eux c’est avant tout la fréquence et la durée d’exposition qui sont dangereuses, même à faible dose. Oublié, le paradigme séculaire «la dose fait le poison». Et nous voilà bien démunis face à ce danger d’un nouveau genre.
Que sait-on des dangers du bisphénol A ?
Le BPA est un perturbateur endocrinien
Le BPA est un perturbateur endocrinien : il agit sur nos organismes en imitant les principales hormones féminines, les œstrogènes. Résultat : il trompe, brouille et embrouille nos cellules, modifie leurs comportements qui peuvent devenir nocifs pour notre santé.
Ana Soto et Carlos Sonneschein ont mis en évidence ses effets sur les glandes mammaires et identifié les liens entre cancer du sein et exposition au BPA. On sait aujourd’hui que le BPA mime en particulier l’action du 17β-œstradiol, l’œstrogène impliqué dans la fertilité et les caractères sexuels secondaires des mammifères.
Au programme : risques accrus de cancers du sein, donc, mais aussi pubertés précoces, altérations de l’utérus, du vagin, des ovaires, problèmes de développement de la prostate, hypotrophie testiculaire, diminution des spermatozoïdes en quantité et qualité…
D’autres dangers pour la santé ont été identifiés par les études successives : altérations du développement du système nerveux, dysfonctionnements de la thyroïde, anomalies dans la croissance du cerveau susceptibles d’entraîner des troubles du comportement tels que l’hyperactivité, perturbations du système immunitaire, diabète de type 2, obésité…
Le Bisphénol A est particulièrement dangereux :
Et le Bisphénol A est particulièrement dangereux :
– sous certaines conditions de chaleur et d’humidité qui le font passer du contenant au contenu, d’où le danger accru avec les contenants alimentaires. Mais pas seulement : le BPA est capable de traverser tous les tissus organiques dont la peau…
– même à faible dose pour le développement des fœtus -il traverse et perturbe le bon fonctionnement du placenta- et les enfants jusqu’à 2 ans. Notre corps est capable d’évacuer le BPA mais les effets d’une exposition in utero et au plus jeune âge peuvent se manifester des décennies plus tard, tout au long de la vie !
Le bisphénol A, de l’histoire ancienne ?
Depuis ces découvertes, le scandale est devenu public, la législation a évolué. Alors, est-on bien protégé aujourd’hui des risques pour la santé liés au bisphénol ?
La lente évolution de la réglementation sur le bisphénol A
La plupart des pays ont longtemps minimisé le sujet.
L’explication ? Le monde industriel ne comptant pas se laisser priver aussi facilement d’une poule aux œufs d’or, le lobbying du secteur plastique a fonctionné à plein régime.
Le mode opératoire ? Le financement d’études. Orientées, concluant qu’elles ne trouvaient rien, elles ont contribué à entretenir le doute et retarder les décisions.¹
Un lobbying tellement efficace que les autorités nationales et internationales continuèrent à traîner des pieds même après le consensus de Chapel Hill² de 2006. 40 chercheurs internationaux écrivaient pourtant, à l’issue de plusieurs jours de colloque :
« La littérature scientifique publiée (…) révèle que plus de 95 % de la population échantillonnée est exposée à des doses suffisantes de BPA pour qu’il soit prévisible que celui-ci soit biologiquement actif. Le large spectre d’effets indésirables des faibles doses de BPA chez les animaux de laboratoires, exposés au cours de leur développement ou de l’âge adulte, est une cause de grande inquiétude en ce qui concerne des effets indésirables similaires chez les humains. »
Enfin, en 2010, à peine 2 ans après avoir affirmé que la présence de BPA dans les contenants alimentaires ne posait aucun souci pour la santé y compris pour les nouveau-nés et nourrissons, le Canada lance le mouvement en étant le premier pays à déclarer le BPA substance toxique.
Aujourd’hui, où en est la législation sur le BPA ?
Après avoir interdit en 2012 toute trace de bisphénol A dans les contenants alimentaires destinés aux enfants de moins de 3 ans, les collerettes des tétines, les anneaux de dentition, dans les maternités, les services de néonatologie… la France étend en 2015 cette interdiction à tous les emballages, contenants et ustensiles en contact avec les aliments ainsi que dans les tickets de caisse.
Au niveau européen ce n’est qu’en 2017, après moult discussions, que l’Agence Européenne des Produits Chimiques (ECHA) recommande de reconnaître officiellement le BPA comme perturbateur endocrinien pour la reproduction humaine, pour la santé humaine et pour l’environnement et non plus uniquement dans les biberons.
La contestation immédiate par les lobbys de l’industrie plastique repoussera encore à fin 2021 la validation définitive de cette décision pour la santé et la reproduction. Aujourd’hui il ne reste plus qu’à confirmer ses effets délétères sur l’environnement…
Bref, cela va tout de même (lentement) dans le bon sens, une soumission à autorisation pour utiliser le BPA est même à l’étude. Et les fabricants ont développé des substances permettant de faire du « sans-bpa », devenu un véritable argument de vente.
Peut-on vraiment se protéger du bisphénol ?
Tout va bien, alors ? Hélas, ça n’est pas si simple !
Les alternatives au BPA : pas plus recommandables…
On a bien cru avoir réglé le problème en interdisant le BPA et en permettant aux industriels de le
remplacer par ses cousins.
Le bisphénol S, d’abord… qui a vite été à son tour sous le feu des études et des critiques. Soupçonné d’être un perturbateur endocrinien et reprotoxique, des études mettent en évidence que les modifications du placenta et les effets sur les fœtus sont les mêmes qu’avec le BPA. Certains pays comme les USA ont misé sur le Bisphénol B. Alors… on ne veut pas spoiler, hein, mais la France a annoncé récemment le lancement d’une procédure pour le faire classer perturbateur endocrinien à son tour.
Et si nous écoutions plutôt Cheryl Rosenfeld, professeure associée de l’université de Columbia, spécialisée dans l’étude des perturbateurs endocriniens : « Moi je crois que tous les substituts sont aussi mauvais que le BPA »³… Tout est dit.
Problème insoluble, alors ? On pourrait le croire lorsque l’on songe que de toute façon les bisphénols contaminent tout notre environnement et notre alimentation via nos déchets qui polluent sols et eaux.
Que nous baignons quotidiennement dans de tellement nombreux perturbateurs endocriniens dont on découvre sans cesse de nouveaux dangers.
Pourtant, si, cela vaut le coup de s’informer et de préserver autant que possible bébé, ses frères et sœurs et vous-même des bisphénols !
Se protéger et protéger bébé du bisphénol : les bons réflexes
Bien sûr, éviter tous les perturbateurs endocriniens et même seulement les bisphénols est mission
impossible. Mais limiter notre exposition, particulièrement celle des plus petits, est déjà un grand pas ! D’autant que certains réflexes sont plutôt simples à mettre en œuvre.
En cuisine
– Bannissez le plus possible le plastique de la cuisine. Petite astuce : les matières plastiques sont obligatoirement identifiées par un code. Prudence renforcée avec les codes 7 (ou PC), 6 (ou PS), 3 (ou PVC), susceptibles de contenir du bisphénol.
– Ne chauffez jamais un emballage ou contenant plastique, notamment en polycarbonate (attention avec les repas à emporter, les plats cuisinés). N’y versez pas non plus de liquides chauds, ne les passez pas au lave-vaisselle. Contenant ou assiette plastique rayé, abîmé ? On ne l’utilise plus.
– Rayez le film étirable de votre liste de courses. Une nouvelle habitude à prendre mais vous ne vous rappellerez bientôt plus comment vous faisiez sans vos boîtes de conservation inox ou verre, vos tissus enduits de cire d’abeille.
– Vive le bio, la cuisine maison à base de produits frais en vrac pour éviter les emballages. Une étude canadienne récente⁴ a mesuré une chute de 66% du taux de BPA dans l’organisme lors du passage à un régime alimentaire composé exclusivement de produits frais en abandonnant les aliments industriels !
Du côté de bébé
– Pour bébé, vive les gobelets en inox, les biberons en verre, les tétines en caoutchouc naturel (sauf allergie au latex), les jouets en bois ou tissus bios…
– Privilégiez la fabrication européenne et même française (et c’est beaucoup mieux pour la planète).
– Enceinte ou allaitante, soyez aussi prudente que pour les tout-petits : l’exposition au BPA pendant la grossesse multiplie les risques de fausse couche, d’anomalies chromosomiques et votre bébé est extrêmement vulnérable aux effets des perturbateurs endocriniens alors que tous ses organes sont en train de se mettre en place !
– Mais on ne se met pas la pression… Super performante au boulot + mère présente et attentive + amante ardente + amie sans faille + fille attentive + parfaite ménagère + cuisinière hors pair + diététicienne aux petits oignons + chasseuse sans relâche des perturbateurs endocriniens ? Help !
Congelez vos matières premières ou restes, achetez des surgelés plutôt que des conserves. Et surtout ne culpabilisez JA-MAIS de de sortir un plat du congélateur ; )
Bref, on boute les bisphénols et plus généralement les perturbateurs endocriniens de notre quotidien dès qu’on le peut, comme on peut. Et pour la salle de bain, of course, vous pouvez compter sur Moom.
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Sources
¹ Voir l’article du Monde en bibliographie
² Consensus de Chapel Hill sur le BPA publié dans la revue Reproductive Toxicology
³ https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/etude-observe-effets-similaires-chez-souris-entre-bisphénol-A-remplacant-2020-02-18-1301079050
⁴ Rudel RA et al. Food Packaging and Bisphénol A and Bis(2-Ethyhexyl) Bis(2-Ethyhexyl) Phthalate Exposure: Findings from a Dietary Intervention in Environmental Health Perspectives. 2011;119(8):1053-61
Pour aller plus loin
Pour un aperçu des résistances et pressions de l’industrie plastique : Bisphénol A, les dessous d’un scandale sanitaire, article de Stéphane Foucart dans Le Monde, 28/10/2011, mis à jour le 08/10/2012
Perturbateurs endocriniens : l’identification du Bisphénol A comme substance extrêmement préoccupante confirmée sur le site du Ministère de la Transition Ecologique, 24/12/2021
Perturbateurs endocriniens : pourquoi les remplaçants du bisphénol A posent aussi problème, article de Cécile Miche, toxicologue et cheffe de l’unité d’évaluation des substances chimiques à l’Anses, 27/02/2022
Eviter une substitution du bisphénol A par le bisphénol B, (Evidence for Bisphénol B Endocrine Properties: Scientific and Regulatory Perspectives), H.Serra, C.Beausoleil, R.Habert, C.Minier, N.Picard-Hagen, and C.Michel, 16 October 2019CID: 106001
Le dossier bisphénol A du ministère de la Transition écologique
Le dossier bisphénol A de l’EFSA (Autorité Européenne de Sécurité des Aliments)
Effets similaires chez les souris entre le bisphénol A et son remplaçant, afp, 18/02/2020
Mama Writer : Gaëlle Ruby
Gaëlle est une femme aux multiples pouvoirs : RH, rédactrice, Freelance et maman de 3 enfants. Elle porte toutes les casquettes à la perfection. Ayant vécu 3 grossesses, militante pour le droit des femmes et l’environnement, elle a créé en 2009 Ti-bahou : la boutique éthique des p’tits Loulous et leurs (futures) Mamans ! Les articles qu’elle nous écrit d’une plume énergisante permettent de redonner le pouvoir aux futures mamans. Elle nous donne toutes les ficelles pour prendre sa grossesse en main, découvrir notre potentiel et consommer moins mais mieux en connaissance de cause 😉 !
Anonyme
Bonjour,
Au milieu d’autres papiers, j’ai bêtement brulé des tickets de caisse quand j’ai réalisé c’était trop tard j’avais les yeux et les poumons qui piquaient. bie sur j’ai toussé et respiré de l’air frais et me suis lavé le visage ( mais je crois que le pertutbateur passe encore plus quand on se lave?! alors que faire lorsque le mal est fait… Comment peut-on évacuer les BPA à postériori et sous combien de temps avant qu’il ne soit trop tard? Les charbons actifs ou l’argile ou autre traitements peuvent ils-agir?
Merci d’avance pour votre réponse.
Cordialement,
catherine
Deborah
AnonymeBonjour Catherine,
Cette expérience n’a pas du être agréable pour vous mais soyez rassuré, les toxicologues indiquent que nous avons tous un capital toxique. Le mieux c’est de faire en sorte que la coupe ne soit jamais pleine mais on se retrouve tous et toutes à un moment donné face à des moments comme celui que vous avez pu vivre. Si vous n’utilisez pas de plastique dans votre vie de tous les jours, que vous optez pour des filtres à eau plutôt que des bouteilles d’eau en plastique vous êtes déjà moins contaminée, même avec cette petite mauvaise expérience. En revanche si vous sentez une gêne depuis n’hésitez pas à en parler à un ou une professionnel.le de santé.
Merci à vous d’avoir pris le temps de lire notre article 🙂
Belle journée,
Yoko