Un titre volontairement provocateur… mais pas seulement ! Depuis quelques années, des études mettent en évidence une baisse générale du QI humain suffisamment significative pour interpeler les scientifiques. Sommes-nous vraiment de moins en moins intelligents ? Si oui, comment l’expliquer ? Un sujet aussi passionnant qu’inquiétant… et complexe ! Mesurer l’intelligence n’est pas simple et de nombreux facteurs influencent la construction comme le (bon) fonctionnement de notre cerveau. Parmi eux, un élément essentiel dès notre vie utérine : notre environnement et ses polluants. Et plus particulièrement les perturbateurs endocriniens…
Le point de départ : une étude du chercheur James Flynn qui décrit le phénomène dit « Effet Flynn« .
Elle observe que les scores de QI aux USA et dans 14 autres pays sont en progression continue et générale depuis le début du 20e siècle. L’explication ? Certainement la combinaison des progrès en nutrition, médecine, éducation, accès à l’information. Des gains de l’ordre de 3 à 7 points par décennie tout de même qui pouvaient nous laisser espérer que nous ferions éternellement de mieux en mieux ! Sauf que cette tendance semble s’être stoppée voire inversée selon les régions du monde…
On le constate en Norvège, avec l’étude de cohortes de jeunes hommes nés en 1962, 1975 et 1991 : leurs scores de QI augmentent jusqu’en 1975 puis c’est la chute avec la génération 1991. James Flynn en fait lui-même le constat en 2009 en comparant les scores d’adolescents de 1980 et 2008. En 2016, Richard Lynn et Edward Dutton documentent cette régression en France : – 4 points de QI entre 1999 et 2009 !
Finlande, Suède, Lituanie, Danemark, Allemagne… le constat est identique : de très nombreuses données suggèrent une baisse généralisée du quotient intellectuel humain depuis le début des années 1990. Pourquoi ?
Il n’existe pas d’explication simple ni même de consensus scientifique.
Les outils d’évaluation de QI sont controversés et parcellaires, les variations de scores dépendent de très nombreux facteurs : géographie, culture, contexte socio-économique… Et l’intelligence elle-même s’exprime de multiples façons, évolue selon les époques, les innovations technologiques…
ChatGPT inquiète aujourd’hui pour son impact sur notre capacité à réfléchir par nous-mêmes ? Bien avant lui, la généralisation de l’écriture faisait craindre une dégradation de nos capacités mémorielles : si nous pouvions tout noter, comment allions-nous exercer notre mémoire ?
Des craintes légitimes : chaque nouveauté modifie effectivement notre façon d’utiliser notre cerveau qui finit par se remodeler en désactivant ses circuits les moins utilisés. Mais aussi en en créant de nouveaux ! Un exemple ? L’écriture dégrade peut-être nos capacités de mémoire mais niveau connaissances et communication c’est un grand OUI !
Comme toujours c’est avant tout l’éducation et l’usage que nous en faisons qui importent 😉.
Quoi qu’il en soit, le constat est là : les mêmes outils, même imparfaits, mesurent la même chose de la même façon et les scores baissent. Partout.
Les neurosciences se sont alors emparées du sujet. L’idée ? Vérifier si ces scores inquiétants reflètent simplement la façon dont nous utilisons nos neurones au quotidien ou si des changements plus profonds dans la construction et le fonctionnement de notre cerveau sont à l’œuvre.
Pour cela, elles font notamment appel à l’épigénétique, la passionnante étude des mécanismes qui modifient l’expression des gènes. Pour schématiser, chacune de nos cellules renferme l’intégralité de notre ADN aka tout notre patrimoine génétique. Mais lors du développement embryonnaire, hop, elle se spécialisent une à une dans une fonction précise.
Et pour certaines, le rôle de leur vie consistera à construire notre cerveau.
Chacune de nos cellules reçoit sa lettre de mission via des déclencheurs biochimiques capables d’activer certains gènes précis et d’inactiver tous les autres. Ces déclencheurs peuvent être internes ou externes, transmis d’une génération à l’autre… ou modifiés par notre environnement. Tiens, tiens.
Concernant la formation, le développement et la maturation de notre cerveau, trois acteurs essentiels entrent en scène :
Quelle affiche !
Située dans le cou, la thyroïde est une petite glande, certes, mais son influence sur notre cerveau est immense !
Elle produit les hormones thyroïdiennes : principalement la thyroxine (T4) et la triiodothyronine (T3), régulatrices de moult fonctions organiques dont la croissance et le développement du cerveau.
Elles en modulent chaque étape et sont essentielles pour la formation des connexions neuronales, la myélinisation des fibres nerveuses, la maturation des cellules cérébrales. Deux – trois broutilles !
Vous l’avez compris, la thyroïde mérite toute notre attention, tout particulièrement pendant la grossesse et la petite enfance. Retards de développement, troubles cognitifs, difficultés d’apprentissage… : les effets de déficits en hormones thyroïdiennes au cours de ces périodes-clés pour la construction cérébrale sont extrêmement dommageables.
Mais l’influence de la thyroïde sur notre cerveau ne s’arrête pas net à notre troisième anniversaire :
En résumé, la relation thyroïde – cerveau est profonde et cruciale pour notre développement cognitif et le bon fonctionnement de notre encéphale. Or, savez-vous ce qui est absolument indispensable à la production de nos hormones thyroïdiennes ? L’iode. Sans cet oligo-élément, impossible de les synthétiser…
Coté bonnes nouvelles, l’iode nous parvient naturellement dans l’eau que nous buvons ou les légumes cultivés en pleine terre. Sa source ? L’iodure qui passe des mers à l’atmosphère puis aux nappes phréatiques et aux sols via les pluies.
A condition de ne pas être trop loin des côtes : dans les régions les plus éloignées, en altitude notamment, le plus grave effet de carences importantes en iode, le crétinisme, a longtemps été un véritable problème de santé publique. Eh oui, à l’origine le mot crétin n’est pas une insulte mais un terme médical qui désigne des retards de développement pouvant aller jusqu’à un handicap mental profond.
Ce crétinisme endémique a heureusement disparu en Europe grâce aux supplémentation en iode du sel de table à et la systématisation du fameux test de Guthrie, réalisé au 3e jour de vie de bébé pour détecter les dysfonctionnements thyroïdiens.
Pourtant, la question des carences en iode au sein de la population se pose de nouveau. Les responsables ? Les perturbateurs endocriniens, toujours impliqués dans les mauvais coups.
Oui, les perturbateurs endocriniens peuvent perturber le fonctionnement normal de la thyroïde : en interférant avec sa capacité à absorber l’iode et/ou à produire nos hormones thyroïdiennes.
Les principales substances (connues) en cause ?
Le lien entre perturbateurs endocriniens et altération de l’intelligence n’est pas encore définitivement établi mais études statistiques et expérimentations suggèrent une corrélation inquiétante entre exposition pendant la grossesse et perturbations du développement cérébral avec un impact sur le quotient intellectuel des enfants. Le placenta n’est hélas pas une barrière pour les perturbateurs endocriniens…
Des conclusions suffisamment inquiétantes pour que des sociétés savantes, pédiatres et endocrinologues, tirent la sonnette d’alarme.
Alors, pour reprendre le titre d’un fameux documentaire : Demain, tous crétins ?
Difficile à dire tant nous ne sommes qu’au début de nos découvertes sur les ravages des perturbateurs endocriniens, leur persistance dans l’environnement et même leur identification ! La liste des perturbateurs thyroïdiens potentiels est en constante évolution à mesure que de nouvelles recherches sont menées.
Que faire ? Se résigner ? Non !
En France, le test du taux d’iode en début de grossesse par prise de sang ou analyse d’urine et le dosage des hormones thyroïdiennes n’est pas systématique pour toutes les femmes enceintes, même s’il est recommandé par les autorités de santé.
Parlez-en avec vos professionnel·le·s de santé pour faire le point sur vos besoins, vos habitudes alimentaires, vos antécédents.
Les autorités de santé conseillent de prendre des compléments sous forme d’acide iodhydrique dès le désir de grossesse et jusqu’à la fin de l’allaitement si cela s’avère nécessaire pour garantir un apport adéquat en iode.
Attention, ne vous supplémentez jamais seule en iode : des excès ont aussi des effets néfastes, pour vous comme pour bébé.
Vous pouvez améliorer vos apports en iode en mettant à vos menus :
Les voies d’exposition aux perturbateurs endocriniens sont nombreuses, partout, au quotidien. Certains perturbateurs interdits depuis longtemps persistent toujours et encore dans nos organismes et notre environnement. D’autres sont plus facilement métabolisés et éliminés, parfois en moins de 24h, mais avec une exposition en flux continu cela ne change pas grand-chose. D’autant qu’avec les perturbateurs endocriniens ce sont les périodes (grossesse, petite enfance, puberté), la durée et la fréquence d’exposition plutôt que la dose qui font le poison. Alors, à quoi bon lutter ?
Echapper à tous les perturbateurs endocriniens est mission impossible, certes. Mais il reste possible d’en limiter les dégâts… assez facilement, en réalité. Certaines actions simples permettent de significativement diminuer notre imprégnation : vous trouverez sur notre journal de nombreuses ressources pour tout comprendre et éviter au mieux les perturbateurs endocriniens au quotidien, particulièrement dans notre article Grossesse et perturbateurs endocriniens : où sont-ils ? comment les éviter ?.
Enfin, partagez vos connaissances et vos interrogations : c’est en nous éclairant mutuellement que nous ferons, ensemble, changer les choses.
De Barbara Demeneix, aux éditions Odile Jacob :
Barbara Demeneix est biologiste et professeur, reconnue internationalement pour ses travaux en endocrinologie sur l’hormone thyroïdienne et les perturbateurs endocriniens. Elle à l’origine d’une technologie innovante permettant l’identification de polluants environnementaux.
Demain tous crétins : le danger des perturbateurs endocriniens, Grand Bien Vous fasse, émission du 09/11/2017, avec S. Gilman, T. De Lestradre et B. Demeneix.
Gaëlle est une femme aux multiples pouvoirs : RH, rédactrice, Freelance et maman de 3 enfants. Elle porte toutes les casquettes à la perfection. Ayant vécu 3 grossesses, militante pour le droit des femmes et l’environnement, elle a créé en 2009 Ti-bahou : la boutique éthique des p’tits Loulous et leurs (futures) Mamans ! Les articles qu’elle nous écrit d’une plume énergisante permettent de redonner le pouvoir aux futures mamans. Elle nous donne toutes les ficelles pour prendre sa grossesse en main, découvrir notre potentiel et consommer moins mais mieux en connaissance de cause 😉 !
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