Fertilité et environnement : quand les perturbateurs endocriniens s’en mêlent
Les causes de l’infertilité ? Complexes et multifactorielles. Mais en bonne position dans la liste desresponsables on retrouve les perturbateurs endocriniens.
Comment agissent-ils ? Où se cachent-ils ? Comment s’en protéger ? Partons à la découverte des relations perturbateurs endocriniens – fertilité (spoiler : ça n’est pas franchement réjouissant… mais des solutions existent).
Demain, tous infertiles ?
Que viennent-ils faire dans cette histoire, les perturbateurs endocriniens (PE) ? Des couples ne réussissant pas à avoir d’enfants, cela n’a rien de nouveau, après tout. On les compte, les épouses répudiées au cours de l’histoire ?
Certes. Mais faisons un petit détour chiffré…
- 1991 : 14% des couples souhaitant avoir un enfant n’y parviennent pas après 12 mois de rapports non protégés (critère retenu par l’OMS pour définir l’infertilité).
- Aujourd’hui : 1 couple sur 4 ayant un projet d’enfant est concerné par des problèmes d’hypofertilité (baisse de la fertilité) !
Du côté des hommes
En 40 ans, le nombre moyen des spermatozoïdes chez les hommes occidentaux a diminué de moitié. Avec une concentration moyenne mesurée à 47 millions/ml de sperme en 2011, un certain nombre d’hommes sont aujourd’hui en-dessous du seuil des 40 millions/ml qui affecte sérieusement les chances de grossesse à chaque cycle. Et tout indique que la baisse se poursuit au même rythme… Les cas de cryptorchidie (testicules qui ne descendent pas dans les bourses) et hypospadias (malformations de la verge) ont doublé sur la même période.
Du côté des femmes
Côté féminin ? Entre manque d’études et sous-diagnostics (comme souvent quand il est question de santé féminine…), difficile d’avoir une vision claire et complète de l’évolution des cas de SOPK, syndrome des ovaires polykystiques. Mais, première cause d’infertilité liée à la rareté ou l’absence d’ovulation, le SOPK est la maladie hormonale la plus fréquente chez les femmes en âge de procréer.
Idem avec l’endométriose qui toucherait au moins 10% des femmes en âge d’avoir des enfants, s’accompagnant d’hypofertilité dans 40% des cas (état inflammatoire défavorable à la fécondation, troubles de l’ovulation, diminution de la réserve folliculaire, adhérences comprimant ou bouchant les trompes, kystes sur les ovaires).
Pour toutes ces pathologies, des études internationales mettent en cause les perturbateurs endocriniens de plus en plus nombreux autour de nous…
Les perturbateurs endocriniens : de dangereux faussaires
Perturbateurs endocriniens : un terme familier depuis le scandale parabènes. Mais savez-vous vraiment qui et où ils sont ? Ce qu’ils nous font ?
Scoop : les perturbateurs endocriniens sont des substances qui… perturbent notre système endocrinien. Plus précisément, ils agissent sur les glandes et organes qui produisent et libèrent les hormones dans notre organisme. Hormones qui contrôlent nos processus biologiques, dont le développement de nos organes sexuels et notre vie reproductive. Mmmh, ça se précise…
Les perturbateurs endocriniens sont capables de mettre un souk pas possible : imitateurs level expert, ils trompent nos récepteurs hormonaux en se faisant carrément passer pour nos hormones naturelles dont ils modifient, minimisent, amplifient ou brouillent les messages. En réponse, notre corps dope ou stoppe leur production… alors que ça n’est pas du tout ce dont notre santé, notre développement et notre métabolisme ont besoin. Aïe.
Leurs cibles privilégiées ? Nos hormones stéroïdiennes. Celles-là mêmes responsables de nos caractères sexuels primaires et secondaires… Les PE adorent par-dessus tout se faire passer pour des œstrogènes ou la progestérone.
Infertilité et perturbateurs endocriniens : ce que l’on sait
Impossible d’établir un catalogue exhaustif des conséquences de chaque PE sur notre fertilité : nous manquons de recul et d’études. Néanmoins, celle qui existent concordent : les PE jouent un rôle important dans nombre de pathologies et désordres hormonaux responsables des hypofertilités féminines et masculines.
Insuffisances ovariennes primitives, SOPK, endométriose, ménopauses précoces, malformations congénitales, baisse de la qualité et de la quantité du sperme, multiplication des cancers des testicules, ovaires, utérus (dont les pubertés précoces liées aux PE sont un des facteurs) qui peuvent, tout comme leurs traitements, entraîner une infertilité…
Des exemples ?
- La pollution atmosphérique et ses particules aux effets de PE entraînent perturbation du cycle, réduction des réserves folliculaires ovariennes et/ou mauvaise qualité des ovocytes chez la femme. Elle joue sur le nombre, la morphologie, les anomalies chromosomiques et la mobilité des spermatozoïdes.
- Certains métaux lourds et pesticides, les retardateurs de flammes dégradent les membranes des spermatozoïdes et leur durée de vie.
Les plus dangereux ?
L’Inserm pointe particulièrement deux types de PE qui imitent les œstrogènes, les phtalates et les bisphénols :
- des concentrations élevées en BPA et phtalates ont été mesurées chez les femmes atteintes d’anomalie des ovaires, insuffisance ovarienne, souffrant de fausses couches à répétition,
- mais aussi d’endométriose avec même une corrélation entre taux élevés de phtalates dans le sang et les urines et gravité des symptômes.
- Chez l’homme, elles s’accompagnent de troubles érectiles et baisses de quantité du sperme.
Le plus inquiétant, peut-être, dans les résultats de ces études : on les retrouve partout et ils agissent à faibles doses… équivalentes aux concentrations moyennes habituelles dans nos organismes. Et même dans le liquide amniotique.
Et l’exposition aux PE in utero a des conséquences :
- chute des taux d’androgènes, sperme de mauvaise qualité, micropénis chez les bébés garçons exposés à un cocktail de phtalates.
- le SOPK, qui ne peut être diagnostiqué qu’après la puberté se prépare dès la vie fœtale avec l’exposition in utero aux bisphénols… Vous reprendrez bien un peu de déprime pour la route ? Le SOPK peut être transmis de génération en génération.
On retrouve dans ces tableaux tout ce qui fait la spécificité des perturbateurs endocriniens… et la difficulté à s’en protéger.
Éviter les perturbateurs endocriniens : peine perdue ?
Avec les PE, la dose ne fait pas le poison
Ce qui les rend dangereux ? Être continuellement exposé·e·s à de nombreux PE différents… même à petite dose :
La durée d'exposition
Une toute petite dose quotidienne de perturbateurs endocriniens est bien plus néfaste qu’un gros shoot exceptionnel…
L'effet cocktail
Leur union fait leur force (de nuisance) avec des effets démultipliés sur nos hormones lorsqu’ils interagissent entre eux ou avec d’autres substances.
Le moment d'exposition
Dégâts x100000 potentiellement irréversibles lors de périodes de vulnérabilité.
Les plus sensibles ? Les phases de modifications intenses de notre système endocrinien : l’adolescence et toute la période avant 2-3 ans. Y compris notre vie fœtale, de nombreux PE passant la barrière du placenta.
Les dégâts in utero peuvent être lourds au moment du développement des gonades (ovaires et testicules), particulièrement pour la fertilité féminine : notre stock d’ovocyte se constitue alors pour toute la vie.
D’où l’importance de se méfier de tous les PE et les éviter dès que possible !
échapper à tous les perturbateurs endocriniens ? mission impossible !
Déjà parce qu’ils sont partout ! Air, eaux, sols, nous avons réussi à tout contaminer. Nous sommes forcément exposé·e·s au quotidien, dès que nous touchons des objets, nous habillons, mangeons, prenons soin de notre peau. Ou respirons, tout simplement !
Dans ce contexte, les études sont complexes et nous sommes loin de tout savoir sur eux… Plus de 1000 perturbateurs endocriniens ? Oui, mais nous ne les avons pas tous identifiés.
Pas plus que les effets cocktail et liens de cause à effet qui se manifestent parfois des dizaines d’années après exposition sans laisser de traces dans l’organisme. Et sont parfois héréditaires : les PE ingérés par les parents influent sur la santé du bébé à naître… et celle de ses futurs enfants ! L’explication ? L’épigénétique. Tout notre environnement (alimentation, pollution, hygiène de vie…) peut modifier notre ADN, le comportement et les caractéristiques de nos cellules… dès la production des gamètes de nos parents (autrement dit dès la vie in utero de nos mères 🤯). Et se transmettre.
Ce n’est pas faute d’être prévenus depuis longtemps : le distilbène (un bisphénol) prescrit des années 50 à 70 aux femmes enceintes pour éviter les fausses couches entraîne toujours aujourd’hui 18 fois plus de naissances sans utérus ou avec un utérus partiel chez leurs arrière-petites filles… Des bébés de femmes exposées professionnellement aux pesticides aux Antilles sont observés depuis 2005 : ils atteignent bientôt l’âge adulte. Qu’allons-nous découvrir ?
Qui sait quelles substances problématiques seront prochainement identifiées ? Sont créées chaque jour ? Quand nous pensons nous protéger d’un indésirable, les remplaçants s’avèrent parfois pires (parabènes/phénoxyéthanol, BPA/BPS…).
Comment se protéger des perturbateurs endocriniens ?
On se résigne au akoibon, alors ? Non ! Bonne nouvelle, malgré tout : il est relativement simple d’éviter un grand nombre de perturbateurs endocriniens en adoptant les bons réflexes.
1. Périodes de vulnérabilité = prudence redoublée
Pour les bébés, ados, pendant la grossesse, l’allaitement, au cours des mois précédant la conception, si vous souffrez d’endométriose, SOPK , pathologies hormonales…
2. Questionnez votre alimentation
C’est la source n°1 de notre exposition aux PE : pesticides des végétaux, métaux lourds, PCB, dioxines des animaux (et dans l’eau ☹), parabènes dans les aliments industriels (oui ! Attention notamment aux additifs E214 à E219)…
Privilégiez une alimentation bio non transformée, limitez les viandes, les poissons gras (les PE persistants se stockent dans les graisses animales). Il existe également des PE naturels, les phytoœstrogènes du soja, sauge, lin… : à consommer avec prudence pendant la grossesse. Mais les PE réellement dangereux et les plus nombreux sont ceux que nous avons créés, tels des apprentis sorciers.
Attention aux contenants alimentaires : évitez phtalates et bisphénols en optant pour le verre, l’inox, la céramique, les sacs en coton… Ne chauffez jamais vos aliments dans un contenant plastique, préférez les ustensiles en bois, évitez conserves et canettes (bisphénols), bouteilles plastiques (phtalates), poêles antiadhésives (composés perfluorés).
3. Objets, meubles, vêtements et autres textiles : consommez autrement
Protégez-vous des retardateurs de flammes bromés qu’on retrouve partout, des vêtements aux canapés, et qui contaminent tout autour d’eux, des phtalates des plastiques et tissus synthétiques, BPA, éthers de glycol et formaldéhydes des solvants des vernis, produits d’entretien, colles, peintures…
Préférez la seconde main, le bio, les textiles naturels non traitées, le made in UE (plus protecteur), le bois massif (l’ANSES a identifié 60 substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques dans les produits d’ameublement !), les peintures à l’eau. Lavez les textiles avant premier usage, aérez longuement pendant des jours après l’achat de meubles, tapis neufs…
4. Adoptez de nouvelles habitudes dans la maison
L’air intérieur peut être 5 fois plus pollué que l’extérieur !
Aérez quotidiennement même en hiver, bannissez bougies parfumées et parfums d’ambiance qui sont pleins de phtalates. Limitez-vous aux produits ménagers basiques naturels : on peut presque tout faire avec du savon noir, vinaigre et bicarbonate de soude.
5. Prudence avec les médicaments
Ibuprofène, paracétamol, certains anti-inflammatoires ou encore nombre de médicaments qui contiennent des phtalates ou parabènes comme excipients. Et, bien sûr, ceux dont la modification hormonale via des hormones de synthèse est le mode d’action comme la pilule contraceptive, on a tendance à l’oublier !
Bref, pas de prise de médicaments sans raison médicale impérative, même de simples antalgiques, particulièrement pendant les périodes de vulnérabilité.
6. Choisissez avec soin cosmétiques et produits d'hygiène
L’une des sources d’exposition principales et des plus « simples » à éviter… quand on sait comment faire !
Décortiquez les étiquettes et traquez les :
- conservateurs et émollients synthétiques (parabènes, triclosan, phénoxyéthanol, silicones, phtalates…),
- parfums qui cachent phtalates, lilial, BMHCA ou résorcinol problématiques,
- filtres solaires chimiques, y compris dans les crèmes de jour ou le maquillage.
C’est un bon début. Mais les PE se cachent partout dans les cosmétiques, souvent derrière d’obscurs mots compliqués : plus de 40% des cosmétiques contiendraient au moins un PE ! Y compris dans des ingrédients naturels (certaines huiles essentielles, poudres végétales).
Pour vous protéger totalement, recherchez des cosmétiques et produits d’hygiène garantis sans
perturbateurs endocriniens. Pour cela, une seule preuve fiable : les cosmétiques ayant passé le test OEDT (Oestrogenic Endocrine Disruption Test), seul capable de détecter les PE oestrogéniques dans une formule cosmétique.
Les premiers cosmétiques certifiés sans perturbateurs endocriniens
Avec Moom nous vous avons fait une promesse : celle de garantir l’absence de perturbateurs endocriniens dans vos soins ! Nos cosmétiques sont les seuls produits sur le marché certifiés sans perturbateurs endocriniens grâce au test OEDT.
Pour les découvrir ↓
En se protégeant des perturbateurs endocriniens, on protège aussi tous les êtres vivants
La question des perturbateurs endocriniens recouvre d’immenses enjeux. Pour notre fertilité mais pas seulement.
Ils impactent notre santé globale, celles des animaux et la biodiversité : des études ont montré qu’ils affectent la reproduction des grenouilles, crapauds, poissons, oiseaux, ours polaires… Le climat : comme par hasard, ce sont les industries les plus polluantes qui les produisent.
Et les experts s’accordent sur un point : la tendance étant à une augmentation de notre exposition aux substances reprotoxiques, sans décisions politiques fortes les choses ne sont pas parties pour s’améliorer…
Alors, choisir un shampoing ou une crème hydratante sans perturbateurs endocriniens peut sembler dérisoire dans ce contexte. Mais c’est au contraire une manière d’agir : pour se protéger soi, pour nos enfants. Et pour initier le changement : nos choix de consommatrices sont un puissant bulletin de vote !
Pour aller plus loin : sources et études
- Perturbateurs endocriniens environnementaux et fertilité, L.Gaspari, F.Parisa, M.-O.Soyer-Gobillard, N.Kalfa, C.Sultan, S.Hamamah in Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie, Volume 50, Issue 5, May 2022, Pages 402-408
- Rapport sur les causes d’infertilité – Vers une stratégie nationale de lutte contre l’infertilité, Pr Samir Hamamah (chef de service de biologie de la reproduction du CHU de Montpellier), Salomé Berlioux (présidente de l’association Chemins d’avenir, sur les causes d’infertilité) – pour le Ministère de la Santé et des Solidarités, fév. 2022
- Bisphénol A-Effets sur la reproduction, rapport préliminaire, INSERM, 2 juin 2010
- Communiqué de l’INSERM – L’effet néfaste du bisphénol A prouvé expérimentalement, janv. 2013
- Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, 3 juillet 2018, n°22-23 Santé reproductive et perturbateurs endocriniens, Santé Publique France
- Science & Santé n°36, mai-juin 2017 (publication bimestrielle de l’INSERM) dossier Fertilité : Nos générations futures en danger ?
- Phthalates and risk of endometriosis. Environ. Res. 2013 Oct
- Marc Chevreuil, Lucie Oziol. Endocrinair : contamination de l’air ambiant : Contamination de l’air ambiant par les perturbateurs endocriniens en Ile de France et caractérisation d’effets toxiques associés. Les cahiers de la Recherche. Santé, Environnement, Travail, ANSES, 2012, Les perturbateurs endocriniens, pp.32-33. ffanses-01680388f
- Les perturbateurs endocriniens menacent la qualité du sperme, communiqué de l’Université de Genève
- Combined exposures to bisphenols, polychlorinated dioxins, paracetamol, and phthalates as drivers of deteriorating semen quality, Kortenkamp, Andreas; Scholze, Martin; Ermler, Sibylle; Priskorn, Lærke; Jørgensen, Niels; Andersson, Anna-Maria; Frederiksen, Hannes, in Data Environment International, ISSN: 0160-4120, Vol: 165, Page: 107322, juillet 2022
- Semen quality of young men in Switzerland: a nationwide cross-sectional population-based study, R. Rahban,L. Priskorn,A. Senn,E. Stettler,F. Galli,J. Vargas,M. Van den Bergh,A. Fusconi,R. Garlantezec,T. K. Jensen,L. Multigner,N. E. Skakkebæk,M. Germond,N. Jørgensen,S. Nef, in Andrology, mai 2019
Mama Writer : Gaëlle Ruby
Gaëlle est une femme aux multiples pouvoirs : RH, rédactrice, Freelance et maman de 3 enfants. Elle porte toutes les casquettes à la perfection. Ayant vécu 3 grossesses, militante pour le droit des femmes et l’environnement, elle a créé en 2009 Ti-bahou : la boutique éthique des p’tits Loulous et leurs (futures) Mamans ! Les articles qu’elle nous écrit d’une plume énergisante permettent de redonner le pouvoir aux futures mamans. Elle nous donne toutes les ficelles pour prendre sa grossesse en main, découvrir notre potentiel et consommer moins mais mieux en connaissance de cause 😉 !