Bébé, hygiène intime : faut-il se méfier du talc ?
Le talc, une odeur qui vous transporte en enfance? Hélas… Longtemps indissociable des soins des bébés, nous savons aujourd’hui qu’il n’a rien d’une inoffensive madeleine de Proust. Controverses et études pointant les dangers du talc se sont multipliées sans qu’aucune recommandation officielle (sans parler de la législation) n’intervienne.
Alors, peut-on encore utiliser le talc pour soigner notre peau et celle de nos tout-petits ? Faisons le point.
Le talc, qu’est-ce que c’est ?
Une substance naturelle
Le talc est un minéral de la famille des argiles, composé de magnésium, silicium et oxygène avec, parfois, des traces d’autres métaux : fer, nickel, calcium, aluminium. Son nom scientifique ? Silicate de magnésium hydraté.
Mou, au toucher gras, on l’extrait de mines, notamment en France : avec 450.000 tonnes par an, la carrière de Trimouns, en Ariège, est la plus grande au monde! Mais aussi au Canada, aux USA, en Australie, Chine…
Le talc et nous, c’est une longue histoire : aussi vieux que la croûte terrestre, il est connu et utilisé depuis l’Antiquité. Comme pierre ornementale mais aussi sous forme de poudre, déjà, pour l’hygiène et les soins cosmétiques. Avant cela, le talc est même entré dans la composition des peintures des grottes de Lascaux !
1001 usages quotidiens du talc
Isolant, agent solidifiant, blanchissant, protecteur face aux UV, matifiant, couvrant, antirouille, améliorant la rigidité et la résistance aux chocs : on trouve du talc dans les peintures, les plastiques, les voitures ou l’électroménager blanc, les emballages, les tubes, profilés, caoutchoucs, le papier, les résines, les pneus, les céramiques…
Et pas seulement dans les objets : il y a du talc dans certains engrais. Et en alimentation animale… et humaine. Même en pharmacie ! Additif neutre et inerte, agent d’enrobage, anti-agglomérant , épaississant, il rend les comprimés plus faciles à avaler, lubrifiés et glissants, permet aux bonbons de ne pas coller entre eux dans le paquet, réhausse les colorants…
Enfin, le talc a un royaume : les produits d’hygiène et cosmétiques. Particulièrement en vogue dans les années 70 (un flacon de poudre de talc était carrément offert dans les maternités !), le talc reste encore très courant.
Soins de la peau & maquillage : tou·te·s talqué·e·s ?
Le talc pour les soins de la peau ? Ça sent la tradition et la simplicité, la véritable astuce de grand-mère ! Avec de réelles vertus cosmétiques :
- Très absorbant, le talc est au top pour garder la peau sèche en régulant ses excès d’humidité et de sébum,
- Réducteur de frictions, il prévient les échauffements,
- Apaisant, il réduit les irritations cutanées, calme les rougeurs.
Alors hop, un peu de poudre pour le change de bébé, sur les fesses et parties génitales pour éviter les macérations, irritations et érythèmes. Pour l’hygiène féminine ? On saupoudre les sous-vêtements ou les protections menstruelles. Allez, encore un peu de talc sous les aisselles contre la transpiration, entre les cuisses pour éviter les frottements.
Et le talc a évidemment su s’attirer les faveurs de l’industrie cosmétique. Le satiné des fards de maquillage ? La transparence et la couvrance des fonds de teint ? Le talc, bien souvent ! Il améliore la texture des soins qu’il rend plus soyeux et faciles à appliquer, diminue la sensation grasse dans les crèmes et baumes, matifie le rendu de certains produits sur la peau… Abondant, bon marché (« ingrédient de remplissage, mon amour »), multifonction, inodore et inerte, il est plutôt facile à intégrer dans une formule cosmétique. Tout pour (leur) plaire !
Un ingrédient naturel, qui ne vient pas forcément de l’autre bout du monde, d’utilisation séculaire, dont les cousines argiles verte, jaune, rose ou blanche sont des ingrédients cosmétiques de choix ? De quoi être rassuré·e·s, non ? Et pourtant…
Pourquoi faut-il se méfier du talc ?
Le mythe du naturel
Pour commencer, mettons fin à un mythe tenace : non, naturel ne veut pas dire sans danger.
Des substances parfaitement naturelles sont cancérigènes ou perturbateurs endocriniens. Des produits naturels bénéfiques à certaines doses peuvent se muer en dangereux poisons au-delà. Pensez à la loooongue liste des contre-indications et précautions d’emploi des huiles essentielles !
On ne le répètera jamais assez : la cosmétique naturelle, c’est top. Oui. Mais elle exige de véritables compétences. Vous ne les possédez pas ? Demandez systématiquement conseil à un·e professionnel·le ou optez pour des produits rigoureusement formulés par des personnes dont c’est le métier.
Pour le talc, plus précisément, quel est le problème ? Un indice : l’amiante.
Talc & amiante : premiers soupçons et confirmations
Les premiers soupçons sur la présence d’amiante dans le talc remontent aux années 1970 ! Alors non, le talc n’est pas un amiante. Mais les études ont montré que, selon les gisements dont il provient, il peut être contaminé lors de son extraction par des fibres d’autres minéraux considérés, eux, comme amiantes.
Depuis, l’OMS a classée cancérogène l’utilisation du talc sur la zone périnéale… en 2006. Depuis 17 ans ! Le CIRC est d’accord et Santé Canada, à la pointe des recherches, l’affirme sans détour : l’inhalation et l’exposition du talc sur les parties génitales féminines peuvent nuire à la santé humaine.
Les risques identifiés à ce jour ?
- Des effets pulmonaires lorsque le talc est inhalé, ce qui est très fréquent avec les poudres : troubles et lésions allant jusqu’à la fibrose ou Mésothéliome.
- Les bébés et enfants sont particulièrement vulnérables avec leurs voies respiratoires plus étroites : le talc peut aggraver l’asthme, provoquer des réactions allergiques.
- Lorsque la région périnéale est exposée au talc (change des bébés, hygiène féminine), on constate des risques accrus de cancer des ovaires.
Pour le reste, ingestion ou application sur d’autres zones de peau, il n’existe pas de consensus. Ce qui n’équivaut pas à un feu vert ! D’ailleurs, pour l’ARTAC (association de médecins pour la recherche thérapeutique anti-cancéreuse), le talc alimentaire pourrait lui aussi être cancérigène.
Enfin, faute d’études, un point n’est pas tranché : le risque nanoparticulaire lié au talc.
Mais alors, entre risques avérés et principe de précaution, pourquoi trouve-t-on encore si facilement et abondamment du talc dans nos cosmétiques et produits d’hygiène ? Pourquoi l’alerte maximale n’a-t-elle pas été activée ?
Les choses bougent (doucement) (et Outre-Atlantique)
Aux manœuvres : de grands industriels (quelle surprise !) qui ont commandé et financé des études scientifiques favorables au talc (l’article de Médiapart cité en fin d’article est édifiant). Ajoutez un biais, souligné dans ce même article par Alexandra Lahav, professeur de droit : les victimes ne sont que des femmes. Une belle illustration de la façon dont on considère la santé féminine depuis… toujours ? Jusque dans les années 1990, aux USA, les tests de produits n’étudiaient pas forcément leurs effets spécifiques sur les femmes !
Mais les choses évoluent, à la faveur de grands procès : 60 000 malades ont porté plainte, aux USA, contre Johnson&Johnson, ses produits à base de talc… et son fournisseur français. Avec une première condamnation historique en 2016 à verser 72 millions de dollars à la famille d’une femme décédée d’un cancer des ovaires après avoir appliqué chaque jour pendant 35 ans du talc sur ses parties génitales. D’autres ont suivi et, au printemps 2023, l’entreprise proposait de verser 8,9 milliards de dollars pour clore les nombreuses poursuites encore en cours. Tout en continuant de nier toute responsabilité, évidemment. Les condamnations se multiplient, la législation devrait évoluer au Canada et aux États-Unis. Restrictions ? Interdictions ? A suivre.
Et en France ? Nous avons eu notre lot de scandales retentissants. Dans les années 50, l’affaire de la poudre Baumol : 100 bébés décédés, 400 malades. Le coupable ? De l’arsenic accidentellement ajouté à la poudre de talc. Dans les années 70, le talc Morhange et sa concentration excessive en bactéricide : 36 décès, de nombreux bébés avec des séquelles neurologiques à vie. Des drames liés à des erreurs de manipulation et d’insuffisants contrôles : à leur suite, la France se dotera d’une réglementation cosmétique parmi les plus strictes, qui inspirera le règlement européen, mais le talc lui-même ne sera pas mis en cause.
Bien sûr, études et scandales nord-américains sont arrivés jusqu’aux autorités françaises. Et l’ANSES concluait en 2012 qu’identifier les talcs problématiques était mission impossible (« il n’est pas possible, dans nombre de cas, de tracer les origines des talcs commercialisés ou présents dans les produits mis sur le marché en France »). De quoi convaincre de l’urgence d’encadrer son usage ? Eh non, les poudres de change au talc sont loin d’avoir disparu !
Comment se protéger et protéger bébé du talc ?
Le talc n’est toujours pas interdit ? Interdisons-nous le talc !
Lire, en 2023, des articles vantant ses qualités pour soigner l’acné hormonale ou faciliter l’épilation, « le talc, pourquoi l’avoir toujours sous la main », « le talc, meilleure astuce beauté pour des économies dans la salle de bain », déjà, ça nous agace prodigieusement. D’autant que vous connaissez la meilleure ? Desséchant, potentiellement irritant, le talc n’est pas l’ingrédient idéal pour la peau !
Mais lorsque des pharmaciens expliquent encore aujourd’hui comment utiliser le talc pour le change de bébé ou soigner des boutons de varicelle (situation vécue, si, si !), des professionnels de santé le conseillent aux jeunes parents, ça nous fait totalement vriller !
Santé Canada, de son côté, diffuse depuis longtemps ses conseils aux professionnels de santé, à destination de leurs patients :
- éviter d’inhaler les poudres libres de talc (et prudence maximale avec les enfants),
- éviter d’exposer les organes génitaux féminins aux produits contenant du talc,
- vérifier les étiquettes des produits et choisir des solutions de change sans talc si l’utilisation de celui-ci les préoccupe.
On les applique ?
Repérer le talc ? Facile !
Bonne nouvelle, le talc avance à découvert : pour le repérer sur les listes INCI de vos produits, cherchez Talc, tout simplement ! Ou l’appellation CI 77718 (Talc), notamment lorsqu’il est utilisé comme pigment. (Et même si sa dangerosité ne fait pas (encore) consensus, traquez également le talc alimentaire : E553b).
Outre les « poudres de talc », de nombreux cosmétiques et produits d’hygiène peuvent contenir du talc :
- les lingettes pour bébés et pour la toilette intime (entre compositions archi-problématiques et impact environnemental catastrophique, ce n’est pas la seule raison d’abandonner ces lingettes jetables imprégnées !),
- les déodorants,
- et plus généralement tous les produits poudreux : poudre pour le corps, produits antifrictions pour sportifs et bien entendu poudres pour bébé,
- Ajoutez les crèmes de toutes sortes,
- les produits de maquillage (même s’il est de plus en plus souvent remplacé par le mica).
Des alternatives au talc, naturelles et sûres
Une bonne hygiène et routine suffisent à éviter irritations et érythèmes : un change régulier, un nettoyage doux, un séchage soigneux sans frotter et des produits naturels qui nourrissent, renforcent et forment une barrière protectrice pour l’épiderme. Au choix, une crème pour le change sans perturbateurs endocriniens formulée spécifiquement pour bébé, un beurre végétal pur non raffiné ou encore une huile végétale bio comme le Jojoba ou le Calendula. Idem pour votre hygiène intime ou éviter le frottement des cuisses 😉.
Adepte de la poudre de change, pour bébé ou pour vous, vous ne pouvez pas vous en passer ? Optez pour d’autres poudres bien plus recommandables : fécule de Maïs, excellent absorbant contre l’humidité et les excès de sébum, farine d’Avoine apaisante, poudre de Riz pour absorber et matifier, poudre de Tapioca, fécule de pomme de terre, Kaolin… A condition bien sûr d’utiliser des produits purs, sans additifs, issus de l’agriculture biologique, convenant à votre type de peau et ses besoins (et à plus forte raison à la peau de bébé).
On y revient toujours : sollicitez des conseils (bien) avisés ! Et ça n’est pas si simple…
Que les industriels continuent d’utiliser un ingrédient bon marché malgré les alertes, qu’ils sèment la confusion en distillant de fausses infos, bon. Immoral mais rien d’étonnant, nous en avons (hélas) l’habitude. Que les pouvoirs publics tardent à nous protéger officiellement, déjà, ça nous titille un peu plus. Mais que des professionnel·le·s de santé continuent de conseiller le talc pour le change de bébé, que des journaux féminins le présentent comme la solution contre les cuisses qui frottent, non ! Informons-nous, diffusons, partageons nos connaissances : c’est ainsi que nous ferons bouger les choses 😉.
Pour aller plus loin
- Aux États-Unis, des milliers de femmes victimes de l’industrie cosmétique, article de Patricia Neves, Mediapart, 6 mai 2023
- Évaluation des risques relatifs au talc seul et au talc contaminé par des fibres asbestiformes et non asbestiformes, Avis de l’Anses, Rapport d’expertise collective, février 2012
- Sur le talc alimentaire : évaluation de Que Choisir
Résumé de l’étude Perineal Talc Use, Douching, and the Risk of Uterine Cancer sur le site de l’Institut National du Cancer (résumé d’autres études via le moteur de recherche du site e-cancer de l’Institut)
Les premiers cosmétiques bio certifiés sans perturbateurs endocriniens
Avec Moom nous vous avons fait une promesse : celle de garantir l’absence de perturbateurs endocriniens dans vos soins ! Nos cosmétiques sont les seuls produits sur le marché certifiés sans perturbateurs endocriniens grâce au test OEDT.
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🤰🏻 compatible grossesse & allaitement
Mama Writer : Gaëlle Ruby
Gaëlle est une femme aux multiples pouvoirs : RH, rédactrice, Freelance et maman de 3 enfants. Elle porte toutes les casquettes à la perfection. Ayant vécu 3 grossesses, militante pour le droit des femmes et l’environnement, elle a créé en 2009 Ti-bahou : la boutique éthique des p’tits Loulous et leurs (futures) Mamans ! Les articles qu’elle nous écrit d’une plume énergisante permettent de redonner le pouvoir aux futures mamans. Elle nous donne toutes les ficelles pour prendre sa grossesse en main, découvrir notre potentiel et consommer moins mais mieux en connaissance de cause 😉 !