L’histoire de Julie, partie 2
Pour découvrir la première partie de ce témoignage, c’est par ici.
« Direction la prise de sang : le taux est petit mais est bien là, environ 4 SA, oui oui ça colle, c’est ça ! J’appelle mon mari, j’appelle mon gynécologue, je prends rendez-vous, c’est parti ! C’est l’euphorie, Bébé est là ! »
Le début de grossesse
Le soufflé retombe très vite après mon rendez-vous avec le gynécologue : « On voit bien le sac embryonnaire, ça fait un début de grossesse estimé au deux janvier (nous sommes le seize janvier), donc là, joie et bonne humeur, mais je ne ressens pas l’émotion que je pensais, peut-être que le mot « sac embryonnaire » n’est pas chargé d’émotion ..? Je me rhabille avec un sourire accroché au visage, pareil pour mon mari et là, commence une conversation lunaire… Est-ce parce que je suis infirmière que le gynéco me dit « Par contre, là c’est trop tôt, c’est votre secret, on en parle à personne parce qu’à tout moment ça ne tient pas hein ! Donc on se revoit dans 15 jours s’il n’y a pas de saignements, sinon, bah consultez rapidement quand ça saigne. » PARDON? Notre secret? Donc si je le perds, c’est tabou au point que mon époux et moi devront gérer le deuil seuls? Que je dois garder le secret de cette grossesse que j’ai tant attendu, que je devrais garder le secret de sa perte dans la honte? Je sors de l’entretien triste, et mon mari particulièrement heureux. Il ne comprend pas mes pleurs, je lui explique, il n’avait pas ressenti les choses comme ça et il comprend mieux ma souffrance … Les 15 jours passent, aucun saignement, et je reprends fièrement rendez-vous. L’écho laisse cette fois-ci apparaître un minuscule petit têtard qui semble évoluer parfaitement… Cette fois, je suis émue, et je commence à me projeter, à toucher ce petit ventre, seule barrière entre notre “mini nous” et moi.
Le suivi de grossesse
La grossesse se poursuit, rendez-vous du 4ème mois, je monte sur la balance (que je m’en fous du chiffre ! J’ai toujours dit que c’était LE moment pour ne pas me torturer avec la prise de poids, je compte double!), donc j’ai pris 5 kg en 4 mois … Pas surprise, on cumule les fast food et autre délices, et encore une conversation des plus folles avec le gynéco : « Va falloir faire attention, 5 kg, ça commence à faire beaucoup (AH BON ?! Je trouve pas moi !) donc faut vraiment limiter les fruits ! » et je vous jure que je pense qu’il rigole, donc je ris et lui réponds « c’est pas plutôt les fast food le problème ? Parce que c’est surement 4 fois par semaine ! » réponse très sérieuse de monsieur le gynéco « Non, non le fructose c’est très mauvais ! Ca fait vraiment grossir, donc doucement sur les fruits ! » je ris nerveusement … Le fructose, le « bon sucre » que l’on conseille aux diabétiques, en quantité raisonnable, serait donc plus dangereux que les glucides et corps gras ingérés lors de mes nombreux arrêts au Macdo … BREF ! Mieux vaut en rire n’est ce pas ..?
A ce moment, je travaille en laboratoire et quand je vous dis que je bosse c’est que je bosse, je cours partout, inarrêtable, en pleine forme. Si bien que mes collègues m’interpellent, j’ai quelques migraines ces derniers temps, et elles me disent « Lève le pied ! Si tu ne le fais pas pour toi, fais-le pour ton bébé. C’est fou de courir comme ça sans cesse ! » Je le prends à la rigolade, je ne comprends pas bien qu’on me dise que je vais « trop bien », et puis je rentre chez moi, hormones et compagnie… Je me dis oui oui elles ont raison, je suis inconsciente, je fais surement de la tension d’où les maux de tête, je vais faire une pré-éclampsie… Je fonds en larmes, à l’arrivée de mon mari, je lui demande de m’emmener aux urgences, que je fais peut-être inconsciemment du mal à mon bébé …
- On m’oublie en salle d’attente !
- L’interne ne comprend absolument pas où est le problème. Pas de protéine dans les urines, pas de douleurs, aucun souci donc elle me demande ce qui m’inquiète, et là je m’effondre « je suis une inconsciente, je m’arrête jamais, je suis en pleine forme et mes collègues pensent que je vais faire du mal à mon bébé » … L’interne (merci à elle !) compatit de suite, et me dit « Une petite écho va vous faire du bien, allons regarder votre petit bout ». Ma crapule va très très bien, je peux continuer à vivre PUTAIN! FOUTEZ MOI LA PAIX. Je sais que ça part d’un bon sentiment (comme tous les conseils durant et après la grossesse d’ailleurs …) mais ça me détruit.
Nous sortons donc des urgences en pleine forme, et en larmes toujours, mais de joie cette fois-ci. J’ai mon rendez-vous avec la nouvelle gynéco de suivi, la semaine suivante. Ascenseur émotionnel : « Avec la crise sanitaire, monsieur ne peut pas assister à l’échographie … » j’en veux à mon ancien gygy de ne pas m’avoir averti , j’aurais cherché ailleurs … Les deux échos avant de quitter le sol réunionnais auront donc lieu sans mon mari, à notre plus grand désespoir.
Une fois de retour en métropole, le suivi gynéco commence sur Evreux. Je n’ai pas vu une seule fois le même praticien sur les derniers mois de ma grossesse … On me demande de consulter ma neurologue (que je n’ai pas puisque nous venons de revenir !) pour m’assurer que le traitement est ok. Je réussis à rencontrer une neuro super, qui m’annonce que contre toute attente, je peux allaiter avec mon traitement : « Une étude a été menée sur 500 enfants qui ont 6 ans aujourd’hui, et ils sont en parfaite santé » AHAHAHAH, 500 ENFANTS ? DE 6 ANS ? c’est non ! Et puis de toute façon j’ai fait le deuil de l’allaitement il y a bien longtemps … La gygy me redira la même chose, donc je lui réponds que non, tout est prévu pour que bébé ne soit pas allaité … Elle me dit » Il y a besoin de bien moins de choses pour un allaitement donc y’a rien à mettre en place », je suis désarmée par cette remarque … Je me ressaisis assez rapidement et lui réponds « Mais la préparation psychologique, elle, est très longue. Le deuil est fait. » ‘ commencent à me gonfler, tous …
Un énième moment magique : la consultation d’anesthésiste … Je souhaite un accouchement des plus naturels, pas de péridurale, si possible par voie basse. Je ne suis pas fermée à la péridurale mais seulement à ma demande en cas de travail long, douloureux ou de difficultés à gérer la douleur. Et alors là, l’anesthésiste prend son air pas content, et me dit « Enfin, faut être un peu raisonnable ! Douleurs + stress sont déclencheurs de crises madame … Donc je mets « péri selon Docteur » … Je sors en pleurs, je dis à mon mari « Elle m’aura tout pris cette épilepsie en fait … J’en ai marre de cette merde ! » et je repars de cette consultation avec l’adorable questionnaire sur les « directives anticipées » que je rédige le soir même en pleurs chez moi … Je les lis à mon mari, triste, impuissant, obligé de me certifier qu’il ne me débranchera pas avant d’être sûr que je ne reviendrais pas à moi… (On ne peut pas être accompagné dans ces moments là?!)
L'accouchement
Les cours de préparation à l’accouchement sont un vrai bonheur, la valise est prête, la chambre de bébé aussi. Y’a plus qu’à attendre !
29 septembre 2022, je perds du liquide un peu, puis beaucoup pendant 5 heures … Je préviens mon mari, je lui dis que je ne contracte pas, donc qu’il fasse sa journée tranquille, on ira aux urgences à son arrivée si ça coule toujours. Sans surprise, ça coule toujours, mais toujours calme plat pour les contractions ! En route !
Je suis reçue assez rapidement par une sage-femme qui me pose le monito, et qui « m’ausculte ». Pas de contractions, le col a bougé mais n’est pas ouvert, elle m’annonce que je peux rentrer, que j’ai perdu le bouchon muqueux (pendant cinq heures ?? A être trempée ?!), et qu’on se reverra sûrement dans le week-end. Moi, je ne suis pas pressée, que je suis bien enceinte, que j’aime ma vie de couveuse géante, je pose même ma tasse sur mon bidon en guise d’accoudoir ! A ce week-end m’dame !
Surprise, 4h30 le 30 septembre, des contractions, ce sont mes premières donc je reste couchée, et je gère ça au meilleur endroit au monde dans MON lit, avec mon mari et mon chien. Le réveil de mon chéri sonne à 6h, donc j’attends. Quand ça sonne, je lui dis « Tu peux trainer au lit, j’ai des contractions rapprochées, tu n’iras pas bosser aujourd’hui, je vais plutôt aller prendre ma douche, on ira déjeuner tranquillement et on partira ». Nous quittons la maison à 8h30, arrivés à l’hôpital à 9h, le trajet a été plutôt compliqué, pas simple les contractions quand on est assise ! Arrivés à l’hopital, on m’installe en box, on m’ausculte « Madame, vous êtes à 8 ! » HEIN ? QUOI ? 8 ? MAIS C’EST MON PREMIER !!!! Ils me posent quand même le monito par « obligation » mais on le laisse que 20 minutes, et on va libérer une salle ! J’ai besoin d’aller aux toilettes, donc je débranche cette horreur, et là mauvaise surprise, je perds du sang .. Je sonne, personne n’arrive, elles sont occupées et c’est normal. Mon mari se pose donc devant la porte et appelle la première qui passe « Ouais, là elle perd du sang quand même ! Faut peut-être venir ! » donc elles arrivent, le rythme de bébé est bon, ma tension aussi, pas de fièvre, on finit le monito et on s’installe !
Le monito a été un des moments les plus compliqués en termes de gestion de la douleur, donc je me lève et je marche avec mon monito, et mon mari qui repose les patchs quand ça sonne … Le monito durera finalement 45 minutes … Une fois débranchée, on me propose de prendre un bain, ah oui oui oui j’accepte ! J’en ai rêvé de cette baignoire. Et là, c’est le drame, on me donne un coussin gonflable pour m’asseoir dessus … UN COUSSIN GONFLABLE A METTRE SOUS L’EAU ???? Impossible … Donc là je commence à souffrir réellement et je m’agace, je sonne et je demande à mon mari de prévenir que je veux la péri, ça suffit, j’ai trop mal, faut arrêter !
La merveilleuse sage-femme qui s’est occupée de moi, me dit « QUOI ? J’ai entendu parler de péri, mais vous gérez comme une dingue ! Laissez moi vous ausculter et on voit, soit on est prêt et on s’installe pour pousser, soit on pose la péri ! Je lui fais mon plus beau sourire empli de remerciement et de douleur … « Vous êtes à 9 ! Je vous installe en salle de naissance et on y va ! Du coup péri ? » donc je lui dis que si je suis à 9, le pire est derrière moi donc non pas de péri, on y va.
On attend une dizaine de minutes l’équipe, je marche dans la chambre, je m’accroupie à chaque contraction et c’est tout de suite supportable ! Je peux marcher des heures, pour me dire que ça nous rapproche de la rencontre de notre vie. On s’installe, on m’explique les poussées, les respirations, l’avancée, les douleurs, le passage, la possibilité d’épisio mais « Votre périnée est hyper souple ! Vous avez fait des massages ? » Oui évidemment, j’ai même emmené mon huile avec moi, mon mari leur donne et on en met plus que de raison pour faciliter le passage de mon petit poids plume.
La naissance d'Iris
Iris pointera son nez à 11h04, j’irai l’attraper moi-même pour la poser sur moi. Elle sera pesée, étudiée sous toutes ses coutures avant de m’être redonnée en peau à peau pour la tétée de bienvenue. Ce fut un moment purement magique, je pourrais revivre mille fois cet accouchement, j’en serais toujours aussi fière, émue, et heureuse, amoureuse évidemment car mon mari a été génial !
Je suis maman d’une petite de 2.890 kg, commence les prises de tête, la maintenir au chaud mais pas trop, gérer les biberons sans trop décaler ses cycles mais en la nourrissant quand même, contrôler sa température, gérer le méconium (étrange substance!), commencer les DRP alors qu’elle est juste miniature ! Et puis mine de rien, me remettre de tout ça !
La nuit se passe sans encombre puis au matin, la sage femme était-elle fatiguée, de mauvaise humeur ou simplement vieille et aigrie, me tombe dessus : « Vous avez des douleurs madame ? Vous voulez un dafalgan ? » « Alors des douleurs pas vraiment … J’ai une gène dans le bassin, ça serait un 2/10 donc je veux bien le dafalgan s’il vous plaît » AIE, qu’est ce que je n’avais pas dit … « Alors là non, on va pas être d’accord! Une gêne, ce n’est pas une douleur, on prend pas des antalgiques comme ça ! » Donc bien que surprise je lui réponds « Je suis seule à gérer ma fille donc si je ne peux pas me lever, je fais comment ? Et puis peut-être qu’une gène pour moi serait une douleur insurmontable pour vous … » donc j’ouvre le tiroir de la table de nuit où étaient rangés les Dafalgan du tour d’avant, et devant elle j’avale mon gramme de Dafalgan. Puis je lui dis « C’est bon au fait, la température de la petite est bonne, j’ai contrôlé en rectal c’est mieux ! » qu’est ce que je n’avais pas dis encore une fois ?! « NON, non mais là par contre ça va pas du tout … On ne fait pas ça, c’est traumatique pour les enfants ! il ne faut pas faire … Olala vous me faites peur ! » Je tombe à nouveau de milles étages … Mais je ne sais comment j’arrive à lui répondre » J’en ai discuté avec votre collègue de journée parce que ça nous paraissait bizarre, sa peau était toute chaude, mais le thermomètre indiquait toujours 36.2, donc on a décidé de contrôler une fois en rectal. Et puis en terme de trauma, je pense que la naissance éclipse le thermomètre hein ! »Elle ne répondra pas, tourne les talons et me critique dans le couloir (très très adapté !), et seule dans ma chambre, je me dis, HEUREUSEMENT que je suis infirmière, heureusement que mon accouchement s’est bien passé, sinon là elle me foutait en l’air complètement, le moral et la confiance en mon rôle de mère.
A part elle, le séjour se passe à merveille ! Nous rentrons chez nous 4 (longs) jours plus tard. La PMI vient à la maison car nous sommes dans le deuxième désert médical de France donc pas de pédiatre avant 1h40 de trajet … Notre fille est en parfaite santé, tout est parfait MAIS : « Ah bon? Elle dort dans sa chambre seule? Le cododo est conseillé jusqu’à six mois … » Nous avons eu cette discussion avec mon mari, je n’allaite pas, lui comme moi n’avons jamais fais de « cododo » et sommes en parfaite santé alors NON pas de cododo. Donc je réponds exactement ce que j’ai dis avant, elle me répond « Oui mais c’est pour prévenir la mort inattendue du nourrisson » et je lui réponds « donc s’il dort à côté de moi, je pourrais le sauver s’il arrête de respirer parce que je vais l’entendre … Je l’entend respirer où qu’elle soit dans la maison. Désolée de ne pas suivre les recommandations mais il n’y aura pas de cododo”.
Après tout ces évènements, je fais le point, j’ai eu un suivi de merde, un accouchement qui aurait pu tourner aux drames, des jugements et des conseils dont je me serais volontiers passée, et ça m’apparait comme une évidence, je vais faire la formation d’accompagnante en périnatalité. Les couples ont besoin d’être aidés dans leurs projets de naissance, leur parcours PMA, le deuil périnatal (interdit d’en parler pestiféré !), la grossesse, l’alimentation, les douleurs, les nausées, la fatigue, l’accouchement, la naissance, la maternité, le retour à la maison, la place et le rôle de chacun.
Alors que débute cette formation pour que je puisse accompagner des gens qui s’aiment et qui veulent se lier encore plus fort avec un petit bout d’eux !