Vous ne connaissez pas le triclosan ? Lui, vous connaît et même plutôt bien car aujourd’hui, selon certaines études, plus de 75% de la population en possède dans son corps. Pire : un bébé sur deux en aurait dans le sang à sa naissance. Un bon copain ? Le triclosan vire tout doucement dans la case des grands vilains : cancérigène probable et perturbateur endocrinien soupçonné, il soulève de grandes inquiétudes. Nous avons donc voulu partir à la chasse au triclosan ! C’est parti pour éradiquer cet ingrédient de notre quotidien !
Le triclosan (ou 5-chloro-2-(2,4-dichlorophénoxy)phénol dans vos listes d’ingrédients) est un biocide. Ne vous faites pas avoir par ce mot, il n’a rien de biologique et est d’ailleurs interdit dans le label bio COSMOS (ouf 
).
Il possède d’incroyables propriétés anti-fongique et anti-bactérienne, ce qui en fait un des conservateurs les plus utilisés au monde ! Et pourtant, il n’est pas si vieux que ça car sa première utilisation a moins de 60 ans. Il était alors utilisé comme désinfectant par les chirurgiens. Au fil du temps, le triclosan a fait une percée fulgurante dans bon nombre de secteurs.
Chez vous ! Le triclosan est utilisé dans les produits ménagers, mais aussi dans les médicaments, les tapis, les jouets, les sacs poubelle et même dans des ustensiles de cuisine. On en retrouve aussi dans les vêtements, d’ailleurs la Suisse a interdit son utilisation dans ce secteur depuis 2015. Toutefois, les vêtements sont loin d’être notre première source de contamination. On estime que seulement 5% des quantités de triclosan utilisées en Europe sont destinées au textile. Mais alors, à qui profite le plus cet ingrédient ?
Les cosmétiques… Il s’est retrouvé en tête des ventes pendant la pandémie dans les gel hydroalcoolique. On le retrouve dans nos dentifrices, nos gel douche, nos shampoings, pour ainsi dire PARTOUT sauf… Sauf dans les produits de rasage.
Depuis fin 2014, il est interdit dans les produits de rasage pour risque de contamination via les coupures ou risque d’inhalation… Une interdiction plutôt hasardeuse quand on sait qu’il est ingéré via le dentifrice, les bains de bouche, les rouges à lèvres, les fonds de teint… (mais après tout, il faut bien commencer quelque part 
). Pour tous les autres cosmétiques, l’Union Européenne autorise le Triclosan à hauteur de 0,3% et de 0,2% pour les bains de bouche (ne me demandez pas pourquoi le dentifrice n’est pas concerné 
).
Comme je le disais, la Suisse est pour le moment le seul pays à l’avoir interdit dans ses textiles. Et si vous vous rendez aux Etats-Unis ou que vous y habitez, depuis 2016 il est également interdit dans les savons (en plus des produits de rasage). Attention, pas les shampoings, juste les savons. Pourquoi ces interdictions ?
Le grand problème avec le triclosan, c’est qu’il rentre très facilement par la peau. Si bien qu’une étude américaine en a retrouvé dans 75% des urines des femmes américaines. En France, on estime qu’entre 70 à 100% des femmes en auraient dans leurs urines.
La bonne nouvelle, c’est qu’il n’y reste pas : selon les chercheurs, il possède une vie assez courte, il est donc vite dégradé par l’organisme. La mauvaise nouvelle, c’est que nous sommes constamment en présence de triclosan via nos routines quotidiennes et qu’il engendre des dégâts lors de son passage.
Une étude de 2019 suggérait déjà que l’exposition à plusieurs perturbateurs endocriniens dont le triclosan était liée au poids du placenta à la naissance. Il faudra attendre 2021 pour que les effets du triclosan sur le placenta soit à nouveau décrié dans une étude épidémiologique menée par l’INSERM. Les résultats ? L’exposition au triclosan était associée à des modifications des gènes du placenta. Le problème, c’est que le placenta permet les échanges entre la mère et le foetus. Ces résultats se sont confirmés lors d’une seconde étude de 2023 réalisée sur 400 femmes (toujours menée par l’INSERM). Grâce à ces études, on sait donc avec certitude que le Triclosan entraîne une méthylation de l’ADN (une modification des gênes). Malheureusement, certains d’entre eux sont étroitement liés au développement foetal.
Ce qu’on sait avec les études menée par l’INSERM, c’est que les effets sur le foetus et son développement serait différents selon le sexe du foetus. Quand le fœtus est féminin, on retrouve de plus grands effets de modification des gènes.
En 2017, un groupe de recherche associant des équipes de l’INSERM, du CNRS et différents CHU ont montré un lien entre l’exposition au triclosan des femmes enceintes et les troubles du comportement chez les garçons de 3 à 5 ans. Selon cette étude, il serait aussi responsable de troubles émotionnels entre 3 et 5 ans chez les bébés exposés in utero au triclosan.
Une autre équipe de chercheurs en épidémiologie environnementale de Grenoble avait alerté sur l’association entre exposition au triclosan pendant la grossesse et diminution du périmètre crânien des bébés à la naissance. Pourquoi ? Parce que le triclosan serait capable d’interagir avec l’axe thyroïdien pendant la grossesse. Cette interraction entraîne des conséquences sur le développement du cerveau du fœtus.
D’où l’importance d’alerter et de limiter notre exposition au triclosan pendant la grossesse et même avant…
Certaines études réalisées sur des organismes aquatiques ont montré qu’il aurait des effets sur la reproduction même à de très faibles concentrations. Chez les mammifères, il a été démontré que son exposition entraînait une perturbation hormonale des niveaux d’oestrogènes et d’androgènes.Quelles conséquences ? Les chercheurs ont noté une baisse de la production de la testostérone et de la quantité de spermatozoïdes.
Mais parlons des études réalisées sur les humain.e.s. Chez la femme, le triclosan amplifie l’effet de la progestérone et stimule la migration des cellules de l’endomètre. Je traduis : le triclosan stimule la migration de l’endométriose. Vous ne le savez peut être pas, mais l’endométriose est une des premières causes d’infertilité chez les femmes. Elle se caractérise par la migration de l’endomètre dans des endroits de notre corps où il n’a rien à y faire (vessie, intestins, et même poumons dans de rares cas !).
Chez les hommes, le triclosan affecte la production et la morphologie des spermatozoïdes.
Le Triclosan possède une action certaine sur le fonctionnement normal de nos hormones. Il serait donc impliqué dans la prolifération des cellules du cancer de l’ovaire ainsi que dans la croissance des tumeurs du sein.
Il faut ensuite se retourner à nouveau vers des études réalisées sur des rongeurs : le triclosan augmenterait la taille des tumeurs et favoriserait le cancer du côlon.
Et ce n’est malheureusement pas fini… La rédaction de cet article nécessite de véritables choix tellement le nombre d’études est conséquent. D’ailleurs, pour citer l’Association Suisse des Médecins en faveur de l’Environnement :
“Le triclosan est soupçonné de perturber le système endocrinien, de déclencher le cancer du sein, d’endommager les spermatozoïdes, de porter atteinte au foie et aux muscles et de provoquer des résistances aux antibiotiques. De plus, ce produit irrite la peau” .
Si vous êtes arrivée jusqu’ici, je vous ai probablement motivée à limiter votre exposition au triclosan. Alors on part à la chasse ?
Fort heureusement, la résistance aux antibiotiques que suggère l’exposition au triclosan a permis à la Commission Européenne de l’interdire comme additif dans toutes les denrées alimentaires et dans tous les objets en contact avec les aliments. Depuis le 19 Mars 2010, vous ne retrouverez plus de Triclosan dans la nourriture et les objets plastiques en contact avec la nourriture. Si vos tupperwares datent d’avant 2010, n’hésitez pas à les remplacer par des contenants en verre. Nous vous déconseillons réellement le plastique pour toutes les raisons citées dans cet article :
Le triclosan pose un réel problème dans l’eau, d’ailleurs l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et le CIRC montre une réelle inquiétude pour sa potentielle présence dans l’eau du robinet. Pourquoi ? Car ils suspectent le triclosan de créer du chloroforme au contact du chlore. Or le chlore est présent dans l’eau du robinet et le chloroforme est classé comme cancérogène de catégorie 3 par l’Union européenne.
Pour l’éviter : opter pour des filtres à charbon sur vos arrivés d’eau ou alors pour des filtres Berkey ou Berkefeld. En revanche évitez l’utilisation de bouteilles d’eau. Elles posent d’autres problèmes de santé dûs à leur contamination aux particules de plastique.
Si vous faites le ménage, vous aurez donc compris que son utilisation dans nos produits d’entretien pose un réel problème mais aussi sa présence dans notre eau de douche…
en cherchant “Triclosan” ou 5-chloro-2-(2,4-dichlorophénoxy)phénol. En revanche cela devient très compliqué quand le produit n’est pas labellisé car certains fabricants le remplace alors par son cousin le triclocarban… D’ailleurs en Juin 2017, 206 scientifiques de 29 pays ont signé l’Appel de Florence visant à bannir le triclosan ET le triclocarban de tous les objets et soins du quotidien…
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Nicolle-Mir, Laurence. « Poids du placenta en relation avec l’exposition maternelle à des phtalates et phénols », Environnement, Risques & Santé, vol. 18, no. 5, 2019, pp. 366-367.
P. Jedynak et al. Prenatal exposure to triclosan assessed in multiple urine samples and placental DNA methylation. Environ Pollut., 15 octobre 2023 ; doi : 10.1016/j.envpol.2023.122197
Consortium de recherche associant des équipes de recherche Inserm, les CHU de Nancy et Poitiers, le Center for Disease Controls and Prevention (CDC, Atlanta, USA), et coordonné par l’équipe d’épidémiologie environnementale de l’Institut pour l’Avancée des Biosciences (Inserm/CNRS/Université Grenoble Alpes). 2017.
Marie Duret. Effets perturbateurs endocriniens du Triclosan chez l’être humain : revue systématique de la littérature. Chirurgie. 2017. ffdumas-01561760
Yoko défend l’écologie, le bio et la biodiversité depuis de nombreuses années. Fatiguée de décrypter des listes d’ingrédients, de voir que le marketing surpasse bien trop souvent la législation ou la sécurité du consommateur. Yoko est habitée par une volonté de fer de changer les choses en commençant par ce qu’elle sait faire de mieux : la cosmétique bio de demain.
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