Post-partum : qu’est-ce qu’on me cache ?
La grossesse, ses vergetures et nausées, l’accouchement plus éprouvant qu’un marathon : la parole s’est libérée sur ces sujets. Tant mieux ! Mais un tabou demeure : l’après. Le post-partum et ses douleurs, ses questionnements, son anti-glam. Bernadette de Gasquet l’écrit « Les suites de couches n’intéressent personne. C’est le temps mort de la maternité »[1]. Non, donner naissance ça n’est pas que du bonheur. Et en parler ce n’est pas gâcher la fête mais s’y préparer pour mieux le vivre.
Bébé est là : pourquoi tout n’est pas rose ?
Ce bébé vous l’avez voulu, espéré. Longtemps, parfois. Qu’est-ce qui pourrait ne pas aller, une fois votre merveille dans vos bras ?
Le post-partum : un tsunami
Une période pas franchement simple s’ouvre. Intense, a minima. Une grossesse et un accouchement parfois compliqués à surmonter, un corps à réinvestir. De nouveaux gestes à apprendre, un rôle inédit à articuler aux autres, un binôme et un trio à construire, un couple à réinventer. Et une montagne de démarches (coucou CAF&co). Tout cela avec un quotidien bouleversé, sommeil et temps libre malmenés par un petit être entièrement dépendant de vous. Et livré sans notice. Quel contraste après 9 mois centrés sur votre ventre !
On parle parfois de 4e trimestre : quelques mois de devenir mère, dans un espace-temps un peu à côté. Plus enceinte, pas non plus comme avant. L’anthropologue américaine Dana Raphael parle de matrescence : physiques, hormonaux et psychologiques, ces bouleversements rappellent sacrément l’adolescence (acné parfois comprise, argh).
Noir c’est noir ?
Vous allez retrouver un équilibre (si !). En attendant, entre absence de routine et repères mouvants sur une indéniable fatigue physique, c’est inconfortable et psychologiquement épuisant.
Bien sûr, on peut traverser le post-partum sans soucis, moral au beau fixe, fatigue et douleurs gérables. Mais les chiffres sont là, probablement sous-diagnostiqués : le baby-blues touche 80% des jeunes mamans, 20% font une dépression post-partum, 7% sous une forme sévère. Ecoutons-les : elles affirment unanimement qu’une meilleure préparation aurait changé les choses. Qu’elles auraient moins culpabilisé de ne pas être qu’amour, joie et allégresse avec ce poisseux sentiment de ne pas être à la hauteur. Alors, comment passer la tempête ?
6 conseils pour votre post-partum
1. Le post-partum ça se prépare
Oui, comme l’accouchement. Plus, peut-être : vous serez bien plus livrée à vous-même que le jour J.
Informez-vous : suites de couches, premières semaines de bébé, débuts de l’allaitement, profitez du congé maternité pour lire, assister à des réunions, écouter des podcasts. Tout en vous préservant : avis non sollicité ? Coupez court ! Prévoyez une séance de préparation spéciale post-partum avec une sage-femme : explications physiologiques, astuces pour soulager les douleurs, calmer bébé…
Créez votre carnet d’adresse post-partum tout au long de la grossesse, être bien entourée est essentiel. Professionnel.les, mères expérimentées, associations de soutien à la parentalité, à l’allaitement, sage-femme avec laquelle le courant passe bien pour la rééducation, cours de yoga post-natal : vive le bouche à oreille !
Et mettez à profit l’interminable attente de fin de grossesse : anticipez tout ce qui peut l’être. Plats d’avance congelés, poussette et siège-auto testés (vous vous éviterez des suées à la sortie de maternité), to-do lists des démarches, rendez-vous médicaux à prévoir allégeront votre charge mentale.
2. Partez du bon pied dès la maternité
Pour être en forme et garder le moral il faut… se reposer. Evident ? On l’oublie vite dans le tourbillon des suites de couches. Beaucoup de maternités ont fait d’énormes progrès : partenaire 24h/24, respect des rythmes, possibilité de décaler petit-déj ou soins… Abordez ces points dans votre projet de naissance.
Votre trésor dort ? Arrêtez de le contempler, dormez (une lutte sans merci contre vos shoots d’hormones et d’amour !). Prévenez votre entourage (même belle-maman) : vous ne savez pas si vous souhaiterez des visites. Vraiment, ne présagez pas de votre réaction.
Enfin, nos deux meilleurs conseils :
- Faites-vous apporter à manger, surtout si vous allaitez. Sérieusement ! Mangez à votre faim des choses que vous aimez, il n’y a pas mieux pour votre convalescence et votre moral. Amoureusement apportés, premiers sushis ou brioche 300% pur-beurre resteront un doux souvenir^^.
- Dopez-vous…en restant le plus possible en contact charnel avec bébé. Le peau à peau stimule votre ocytocine à tous deux : stress diminué, lactation stimulée, lien d’attachement et sentiment de compétence maternelle renforcés. Magique (et tellement bon).
3. Vous êtes une équipe parentale
Non, change ou bain ne sont pas inscrits dans vos gènes parce que vous avez porté bébé. Pas toujours facile de renoncer à votre lien exclusif, mais partagez la logistique dès le début, c’est essentiel pour la suite. Et tout le monde y gagne : du repos, du temps de qualité avec bébé, des liens créés par le contact physique, les regards, la voix… Même si votre partenaire travaille (on en parle, du congé paternité français ridiculement court, même rallongé ?) : votre congé maternité n’a rien à voir avec des vacances. Vous êtes seule ? Un proche peut venir vous aider les premières semaines.
Votre rôle parental prendra forcément le dessus quelques temps, mais préservez votre couple. Continuez votre série préférée (le premier qui ronfle a perdu !), siestez, mangez ensemble même à pas d’heure, projetez vacances et première sortie à deux… Et parlez. Votre partenaire a repris le travail ? Décalage de quotidien et de rythme + fatigue = meilleur terreau à malentendus. La reprise de la sexualité ? Pas de pression : douleurs, fatigue, vous avez toutes les raisons du monde de ne pas en avoir envie. Mais parlez-en.
4. Retrouver votre corps : patience et bienveillance
Votre corps, transformé progressivement pendant 9 mois, dégonfle d’un coup. Le plus probable, à la sortie de la maternité ? Des pantalons de grossesse loin du carton « à donner », un ventre de 5 mois à la très déroutante texture de ballon dégonflé. Les larmes peuvent vite monter au « le 2e est déjà en route ? » de la boulangère (un jour on en rit, promis). Peu de temps pour s’occuper de soi comme avant, la peau qui décompense ses shoots d’hormones, le sommeil haché : après l’accouchement, on est rarement au top de son glow, c’est normal.
Ce n’est pas le moment de commencer un régime. Faites-vous plaisir, mais mangez équilibré. Oui au chocolat, anti-stress naturel, mais pas d’impasse sur les vitamines des fruits et légumes frais, les fibres et protéines. Le fer et les omega-3, neuroprotecteurs précieux pour prévenir la dépression post-partum (et bébé se sert joyeusement sur vos réserves pendant la grossesse et l’allaitement) : poissons gras, fruits de mer, légumineuses, huiles végétales…
Bougez ! Bébé adore dormir en balade contre vous, vous accompagner au yoga post-natal. Mais avant, ne zappez pas la rééducation périnéale, précieuse pour vous réapproprier votre corps, indispensable pour prévenir de sérieux soucis : un périnée trop lâche c’est des fuites urinaires ou de gaz à chaque toux ou éternuement, le risque de descente d’organes. Ouch ! Au-delà du physiologique, les séries de tulipes ou montgolfières de votre périnée (quel teasing !) seront l’occasion de tête-à-tête avec un interlocuteur sensibilisé aux difficultés du post-partum.
5. Ça ne va pas ? Dites-le !
Aucune clause intimant de taire la réalité du post-partum n’a été signée. Confiez-vous, pleurez, sollicitez de l’aide, n’ayez pas peur de ne pas paraître à la hauteur.
Vous vous sentez dépassée ? Demandez des plats cuisinés, des heures de surveillance de bébé en cadeaux de naissance. Les pleurs de bébé ? Vous serez bientôt bilingue mais en attendant ils peuvent dérouter, stresser, épuiser : passez le relais ! A votre partenaire, un proche. Et aérez-vous.
La douleur vous envahit ? Votre corps est mis à rude épreuve : cicatrice de césarienne ou épisiotomie qui tire, cicatrise lentement, tranchées (contractions par lesquelles votre utérus refait le chemin vers sa taille normale), lochies (saignements) qui s’éternisent… Ne jouez pas la super héroïne, parlez-en à la maternité, à votre sage-femme : médicaments, tisanes, exercices de respirations peuvent vous soulager.
La tristesse et l’irritabilité sont présentes ? Professionnels de santé, doula, proches : pas de tabou ! Le baby-blues est plus que courant. Grand huit hormonal, fatigue, inquiétudes liées au travail, impression de ne plus exister que comme mère de, recherche du (si compliqué) mode de garde, craintes de mal faire, il y a de quoi se sentir perdue. Si votre mal-être perdure au-delà de quelques jours, consultez : la dépression post-partum nécessite une prise en charge médicale.
6. Lâchez du lest
Les non-douches s’accumulent, vous déjeunez à 17h et culpabilisez devant ces stars actives sur talons de 12 à J+3 ? Qui vous dit qu’elles ne rêvent pas de votre pyjama pilou, le cheveu peut-être gras mais avec bébé, loin des regards ? Vos priorités, les premières semaines : proximité avec bébé, repos, mise en route de l’allaitement, suivi médical, accompagnement des aîné.e.s. Tout le reste peut attendre ou être délégué.
Vos journées vont se dérouler au (non-)rythme d’un nouveau-né : n’en attendez pas trop !
Dégagez-vous de toute contrainte : peu d’engagements, personnels ou professionnels, annulés sans état d’âme si besoin. Priorisez les visites qui vous font du bien, aidantes, importantes pour vous. Tant pis si Tata fait la tête, il sera toujours temps de se rattraper plus tard.
Et DE-CUL-PA-BI-LI-SEZ ! Lessive, administratif, envoi des faire-part, courses ou même promenade ? Pour les jours avec. Les jours sans, relativisez : non, vous n’avez pas rien fait, vous avez nourri et rassuré un bébé en pic de croissance. Vous avez bouquiné, bébé dans les bras, au lieu de donner le bain ? Un programme parfait. Pour vous deux ! Concentrez-vous sur votre bien-être et celui de bébé : profitez. De ne pas travailler, de prendre le temps de vous découvrir, vivre à son rythme, traîner au lit ensemble. Vous songerez bientôt à cette bulle hors du temps avec nostalgie.
Pensez avant tout pratique, vous ferez joli plus tard. Même si sa chambre l’attend, gardez bébé à proximité pendant cette période de réveils nocturnes inévitables. Avec une petite lumière tamisée et tout ce qu’il vous faut pour le changer et nourrir sans trop vous réveiller. Ses tenues ? Pyjama, body, bavette et langes à foison : sur l’épaule, en tête de matelas, toujours à portée de main… C’est moins joli ? Ça évite surtout de multiplier les lessives (parlons vrai : vous allez vivre quelques temps au milieu de corbeilles de linge sale/à plier). Gardez sorti ce que vous utilisez 20 fois par jour. Votre maison est moins présentable ? Instagram ce sera pour plus tard 😉.
Un post-partum s’affronte avec beaucoup de bienveillance, de l’aide, un peu de préparation et une pointe d’égoïsme bien placé. Oui, on a le droit d’en avoir marre, de penser que la vie était plus simple avant. Sans culpabiliser. C’est mieux quand ça sort et ne fait pas de vous une moins bonne mère. Et le dire autour de vous, c’est aussi militer : le post-partum ne doit plus être un tabou !
Pour aller plus loin
Vous pouvez signer la pétition en ligne Améliorons les conditions du #postpartum des femmes qui aborde les questions de la préparation, de l’accompagnement, de l’allongement des différents congés… (lisez son texte, il est très intéressant !).
Vous informer avec des témoignages et partages d’expérience :
- Le #MonPostPartum sur Instagram, lancé par 4 femmes, Illana Weizman, Morgane Koresh, Ayla Linares et Masha Sacré, en réaction au refus de diffusion lors de la soirée des Oscars de 2020 d’une publicité mettant en scène de façon réaliste une jeune maman lors de son post partum.
- le compte Instagram Post-partum ta mère qui se décrit comme un lieu de « Bienveillance et humour pour toutes celles qui ont accouché il y a 1 jour, 1 mois ou 10 ans par Madeleine, mère de Félix » (Madeleine qui est initiatrice de la pétition )
- Des séries de podcasts sur le sujet : Mon Post Partum , du Slow dans mon post-partum
- Mères, le podcast du magazine leslouves.com : Préparation à la naissance #6 : le post-partum avec Bernadette de Gasquet
- Sur Bliss Stories, le podcast EP 22 – Elodie, Une Dépression Post-Partum
Des livres pour comprendre et mieux vivre son post partum :
- Julia Simon, Bien vivre le quatrième trimestre au naturel, First Editions : explications sur ce que traversent corps et esprit, conseils pour l’alimentation… Vous pouvez également écouter Julia Simon dans le podcast la Matrescence Comment soigner son post-partum.
- Les ouvrages de Bernadette de Gasquet : Mon corps après bébé, tout (ou presque) se joue avant 6 semaines, Marabout ou Bébé est là, vive maman : Les suites de couches, Éditions Robert Jauze.
- Céline Chadelat et Marie Mahe-Poulin, Le mois d’or, Bien vivre le premier mois après accouchement, Presses Châtelet.
Sur les bienfaits du yoga en post-partum :
le podcast de la Matrescence Pourquoi le yoga pré et post natal est bénéfique aux mamans ?
Sur l’importance de l’alimentation :
- Farah Hachani, Quelle place pour les oméga 3 dans la dépression du post-partum ?, Sciences pharmaceutiques. 2019. ⟨dumas-02169676⟩
- La table de composition nutritionnelle du Ciqual (ANSES) pour identifier les aliments riches en fer et en omega-3
Sur l’importance du peau à peau :
- PignolJérome, Lochelongue Véronique, Fléchelles Olivier, Peau à peau : un contact crucial pour le nouveau-né, Spirale, 2008/2 (n° 46), p. 59-69.
Sur la dépression post partum :
- Pourquoi est-il essentiel de dépister et de prévenir la dépression postpartum ? et le questionnaire en ligne du score d’Edimbourg qui ne peut que vous donner des pistes : il est toujours utile d’échanger avec un.e professionnel.le si vous vous sentez mal.
- Un article pour aider à distinguer baby blues et dépression post partum : La dépression post-partum
- Etude naître en France : la perception du post-partum, 2019.
Mama Writer : Gaëlle Ruby
Gaëlle est une femme aux multiples pouvoirs : RH, rédactrice, Freelance et maman de 3 enfants. Elle porte toutes les casquettes à la perfection. Ayant vécu 3 grossesses, militante pour le droit des femmes et l’environnement, elle a créé en 2009 Ti-bahou : la boutique éthique des p’tits Loulous et leurs (futures) Mamans ! Les articles qu’elle nous écrit d’une plume énergisante permettent de redonner le pouvoir aux futures mamans. Elle nous donne toutes les ficelles pour prendre sa grossesse en main, découvrir notre potentiel et consommer moins mais mieux en connaissance de cause 😉 !
Anonyme
Salutations ! Des conseils très utiles dans cet article ! Ce sont les petits changements qui apportent les plus grandes améliorations. Merci beaucoup de partager !
Deborah
AnonymeAvec plaisir :). Merci d’avoir pris le temps de lire nos contenus.