Une mise en route de l’allaitement difficile
Je sais qu’il existe mille façons d’accoucher et mille façons d’allaiter. Que mon expérience n’est pas celle de toutes les mamans. Je ne veux surtout décourager personne. Maintenant qu’il m’est devenu facile d’allaiter, c’est un bonheur immense, indescriptible.
Mais j’aurais aimé lire cela avant d’avoir mon enfant : savoir qu’il était possible de vivre son accouchement comme une croisière, et les débuts de l’allaitement comme un naufrage.
J’avais beaucoup lu pour m’y préparer, je savais donc que ce n’était pas toujours aussi facile ou naturel qu’on l’imagine. Pourtant, jamais je n’aurais pu anticiper ce qui s’est réellement produit.
La décision d'allaiter
J’avais pris la décision d’allaiter bien avant de concevoir mon bébé. Alors que j’étudiais encore , je venais de lire “Le Charme Discret de l’Intestin” de Giulia Enders. Elle y détaille l’importance d’une flore intestinale équilibrée pour avoir une bonne immunité. De manière plus globale, une bonne santé. Elle y précise que la naissance par voie basse et l’allaitement sont deux facteurs importants pour aider, dès les premiers jours, à construire ce microbiote. Ainsi, mon choix était à 100% motivé par des raisons de santé et lorsqu’on me demandait pendant ma grossesse si je souhaitais allaiter, je répondais toujours “si j’y arrive”. Je n’imaginais pas une seule seconde donner un biberon à mon enfant. Sans jamais juger les mamans qui font ce choix, bien sûr ! Mais je savais que la mise en route n’était pas toujours facile.
Y arriver malgré les difficultés...
J’étais loin de m’imaginer, pourtant, à quel point cela allait être compliqué. Je me dis aujourd’hui que j’aurais vite baissé les bras si je n’y avais pas autant tenu, profondément, au fond de moi. Je n’avais même pas prévu de biberon au cas où, ne m’étais pas renseignée sur les laits maternisés. À chaque difficulté rencontrée, c’était un peu comme si je n’avais pas le choix. comme si l’allaitement était la seule façon possible de nourrir mon bébé. Je me devais donc de poursuivre dans cette voie.
Avec le recul, je me rends compte que si rationnellement, la seule raison pour laquelle je voulais allaiter était la santé de ma fille, il y avait bien autre chose, cet attachement fou, charnel à mon enfant, qui m’a fait tenir.
Toute la dimension émotionnelle de l’allaitement, que j’avais complètement sous-estimée (et même ignorée) lors de ma grossesse est je pense ce qui m’a fait tenir les premiers mois malgré les doutes et les douleurs : c’était viscéral, presque irrationnel.
Des débuts solitaires
Dès la première tétée, je me suis sentie perdue. J’avais inscrit dans mon projet de naissance que je voulais mettre mon enfant au sein dès son arrivée pour la tétée d’accueil. J’ai dû me débrouiller seule avec le papa car nous étions très nombreuses à accoucher en même temps et que les sage-femmes n’ont pas eu le temps de me seconder. Je me sentais extrêmement maladroite, je n’osais pas manipuler ma fille, je ne savais pas comment lui proposer. J’avais bien lu que les bébés en peau à peau pouvaient chercher et trouver le sein eux-mêmes mais je me sentais obligée de l’aider. Laborieusement, nous avons fini par y arriver.
La peur de mal faire
Cette peur de mal faire ne m’a pas quittée avant longtemps. Pendant mon séjour à la maternité, j’appelais presque systématiquement de l’aide pour installer mon bébé confortablement. Ma fille a tout de suite bien tété, mais très vite je me suis mise à avoir des crevasses, tellement douloureuses que je redoutais systématiquement la prochaine tétée.
Mes seins étaient très abîmés et saignaient, j’usais et abusais de crèmes réparatrices dont l’effet était malheureusement très limité. J’ai eu la chance d’avoir son père à mes côtés pour me soutenir jour et nuit pendant ses 3 premiers jours de vie, ce qui m’a permis de tenir. Malheureusement, en raison de la pandémie (mon bébé est né quelques jours avant le premier confinement) il a dû quitter l’hôpital juste avant la troisième nuit.
L'impact de la pandémie
A l’heure actuelle, cette troisième nuit est encore l’une des plus dures de ma maternité.
Le papa n’était plus là, j’étais en plein creux de la vague de la chute d’hormones. Et surtout, ma fille ne cessait de pleurer. Alors qu’elle avait toujours bien pris le sein et ne le lâchait plus, elle se mettait à hurler après quelques succions en jetant sa tête en arrière. Je ne comprenais pas. Une sage-femme m’a expliqué que ma fille avait faim. Je n’avais pas encore eu ma montée de lait et que son estomac avait déjà bien grossi, et que je ne pouvais donc pas la rassasier ; la fameuse “nuit de la Java”. J’ai passé cette nuit en pleurs à essayer tant bien que mal de calmer mon enfant. Je devais quitter la maternité le lendemain mais je me sentais si nulle. Que si quelqu’un me parlait, je ne pouvais ouvrir la bouche sans fondre en larmes. Le personnel a donc pris la décision de me garder un jour et une nuit de plus.
Cette décision a été salvatrice pour moi. Même si je voulais quitter l’hôpital au plus vite pour retrouver le papa d’Adèle. Une puéricultrice très douce est venue mettre mon bébé au sein à chaque tétée et les massait pour aider la montée de lait, qui, enfin, est arrivée ! J’ai donc pu quitter la maternité le lendemain. Toujours en proie à de terribles douleurs mais avec, au moins, la certitude que je pourrais nourrir mon enfant.
Montée de lait & disparition des crevasses
La montée de lait a été magique. Tous les bienfaits que l’on prête à cet or blanc sont aussi incroyables qu’on le dit. Comme je “débordais” non stop, mes crevasses ont été imbibées de lait et complètement réparées en à peine 24 heures. Après les immenses difficultés des premiers jours, je passais enfin à un deuxième stade plus serein (mais toujours difficile) de mon allaitement. Chaque expérience est différente mais dans mon cas, je répète toujours à qui veut l’entendre qu’il a été cent fois plus difficile pour moi de démarrer mon allaitement que d’accoucher.
Une suite d'allaitement parsemée de petites embuches
J’ai rencontré bien d’autres difficultés. Je produis énormément de lait, je devais donc dormir sur une serviette et mettre trois t-shirts propres à côté de mon oreiller pour changer au cours de la nuit, puisque j’étais constamment réveillée trempée. J’avais un REF* très puissant, qui rendait parfois les tétées difficiles. Ces deux problèmes ont duré jusqu’aux 5 mois de ma fille. Elle tétait beaucoup, c’est un très grand bébé qui pesait 8,5 kilos à 4 mois. Enfin, j’ai essayé beaucoup de positions à notre retour de maternité mais je continuais à me sentir maladroite. Je ne me sentais vraiment en confiance qu’en position allongée, que j’ai donc utilisée le plus clair du temps. A la sortie du confinement et jusqu’à ses 9 mois j’ai été obligée de l’allaiter dans une pièce calme et sombre, allongée, car elle était sinon trop occupée à regarder ce qui l’entourait pour manger. Et 9 mois de tétées régulières dans ces conditions, ça finit par user…
Une fin heureuse ?
J’ai parlé de toutes les difficultés rencontrées, mais pas encore de tout ce qui m’a fait tenir malgré tout. La dimension affective et émotionnelle liée à l’allaitement est complètement folle, indescriptible. Chaque tétée était un moment à nous, rien qu’à nous. Le temps me semblait toujours suspendu quand elle fermait doucement ses yeux pour s’endormir en tétant. Sa petite main douce posée sur mon ventre. Tant la sensation de bien-être liée à la libération d’ocytocine était forte. Je pouvais savoir quelques secondes avant une montée de lait que j’étais sur le point d’en avoir une. Pendant ses 3 premiers mois de vie je n’étais réveillée que 30 à 40 minutes par nuit puisqu’elle se réveillait trois fois pour téter et se rendormait immédiatement. J’ai pu l’apaiser quand elle avait mal aux dents, quand nous avons pris le train pour la première fois, quand elle s’est fait vacciner, quand nous nous sommes retrouvés en panne pendant 5h au bord d’une autoroute.
Aujourd’hui, quand elle a faim ou rentre de chez la nounou et que je lui demande si elle veut téter, ses yeux s’illuminent, un grand sourire éclaire son visage et elle se met à rigoler.
Ma fille vient de fêter ses 1 an, et cela fait donc trois mois seulement que je trouve cela “facile” d’allaiter. 1 an, c’était l’objectif que je m’étais fixé avant sa naissance, en me disant que j’aviserais ensuite. Pour l’instant, je ne me sens pas prête à arrêter et je n’en ai tout simplement pas envie, en si bon chemin. En théorie, je me dis que tant qu’elle a besoin de lait, j’aime autant qu’elle boive le mien. En pratique, je ne sais pas combien de temps cette belle aventure va encore durer, mais j’en savoure chaque seconde.
*REF : Réflexe d’Éjection Fort
Mama Story de : Laure
Une super mama qui est tombée enceinte par surprise et qui a géré tout le reste de sa grossesse et de sa vie de jeune maman comme une cheffe ! Elle nous donne la preuve que la vie peut nous surprendre et nous mener au bonheur par des chemins inconnus, parsemés de quelques difficultés. Une femme forte, inspirante qui nous fera encore part de nombreux témoignages et qu’on va tenter de suivre sur d’autres routes : allaitement, éducation… des sujets qu’il nous tarde d’aborder avec cette superbe maman qui déchire ! Retrouvez son magnifique compte qui retrace son expérience de la DME végé & ses livres favoris sur 👉🏽 @adeleetsonassiette