Rachel Carson et son combat contre les pesticides
Il était très important pour nous de parler de Rachel Carson. À elle seule elle constitue tout ceux pour quoi nous nous battons aujourd’hui. Son combat pour l’environnement, pour les générations futures et pour nous protéger des perturbateurs endocriniens fut remarquable. Et surtout, trop peu salué. Elle réunit tout ce qu’elle savait, tous les rapports scientifiques pour montrer au monde les effets des pesticides sur la vie et sur notre santé. Car comme le dit Jean Rostand, “l’obligation de subir nous donne le droit de savoir. »
Lettre à Rachel
Chère Rachel, je n’ai malheureusement jamais entendu parlé de toi. Ni à l’école, ni à la télévision mais je sais que tu as eu une grande incidence sur ce que je sais aujourd’hui car le premier film documentaire que j’ai vu fut celui d’Al Gore (Une vérité qui dérange – 2006), il réveilla ma conscience écologique comme Al Gore le fit probablement 40 ans plus tôt en lisant “Le printemps silencieux” que tu as écris en 1962. J’aimerais te dire que les choses ont changé, que les poissons ne meurent plus en masse à cause de nous, que les verres de terres sont de nouveau là, que les oiseaux chantent et que le cancer n’existe plus, mais ce n’est pas vrai. La stérilité a atteint désormais les humains. Depuis que tu as écris le printemps silencieux, notre nombre de spermatozoïdes a chuté de plus de 50%¹.
Une faune menacée
Entre 1970 et 2012 la moitié de la population marine a disparu² de par nos activités. En 2018 selon Planète Vivante en moyenne mondiale : 60% des populations d’animaux sauvages ont disparu³. Le constat est encore plus alarmant aux endroits où nous cultivons l’huile de palme : 89% des populations ont disparus dans les zones tropicales, en Amérique du Sud et en Amérique centrale³.
Un constant alarmant
Quant à nous, les bébés naissent toujours avec plus de produits chimiques dans leur corps à la naissance. Les malformations ont augmenté. L’asthme, le diabète, l’autisme, les cancers ont tous fait une progression fulgurante. Et quand je lis ton livre, je me dis qu’on était au courant depuis longtemps et qu’on a laissé tout un système se mettre en place. Ceux qui vendent des graines vendent le poison, ceux qui protègent les espèces reçoient de l’argent de ceux qui tuent, ceux qui protègent notre santé sont payés par ceux qui veulent nous voir malade pour nous vendre toujours plus de médicaments. Mais la Terre se venge car nous avons causé bien des dérèglements. L’eau des océans monte, l’eau potable vient à manquer, la sécheresse augmente, 33% de nos terres sont dégradés⁴, les animaux nous donnent des maladies mortelles⁵. Ça c’est la Terre et le monde animal qui tentent de rétablir l’équilibre mais il y a des bonnes nouvelles, et elles donnent du courage pour affronter la suite.
L’interdiction des pesticides mortels : le DDT et la Dieldrine
Mais commençons par le début, grâce à toi Rachel, le DDT a été interdit en 1972 et la Dieldrine suivit son chemin en 1992. Et c’est une bonne chose car pour citer le “Printemps silencieux” ci-dessous la dieldrine et le DDT étaient les grands responsables du sillage de destructions et de pertes animales.
“ Les toxiques ont pénétré dans la terre, et les larves de scarabée empoisonnées sont montées à la surface du sol (…). Les rouges-gorges ont été “presque exterminés”, selon l’expression d’un biologiste. Des vers de terre morts ont été vus en grand nombre. (…) La pluie, si bonne pour les oiseaux, s’est transformée en agent de mort, elle aussi, en dissolvant le poison; les volatiles qui se sont baignés ou qui ont bu dans les flaques après la pulvérisation ont péri. Les survivants ont été probablement frappés de stérilité, car on a vu ensuite peu de nids, moins d’oeufs encore, et aucun oisillon. Parmi les mammifères, les tamias ont été pratiquement annihilés; leurs cadavres ont été trouvés dans les attitudes caractéristiques de la mort par empoisonnement. Les rats musqués et les lapins ont subi le même sort; les écureuils de la Caroline, très communs dans la ville avant la catastrophe, ont disparu. »
“ de toute les parties du globe, parviennent les échos du péril qui pèse sur les oiseaux dans notre monde moderne; les détails diffèrent, mais le thème se répète; tout ce qui vivait à l’état sauvage meurt dans le sillage des pesticides.”
“Cette masse de toxiques a donc descendu le Colorado, en poussant la mort devant elle. Sur les 220 premiers kilomètres, en aval du lac, les filets utilisés pour voir si quelques poissons n’avaient pas survécu sont remontés vides ! On a noté parmi les victimes les représentants de 27 espèces ! »
Parmi les espèces citées certaines n’existent plus, d’autres sont en voie de disparition et la pêche intensive n’y a rien arrangé.
“ Pas une espèce n’a été épargnée; mulets, brochets de mer, mojarras, gambusias figuraient au nombre des victimes.”
Accidents domestiques et de travail
Mais tu ne t’es pas arrêtée là, tu as également citée les accidents domestiques comme une femme qui aspergeait sa cave de produit à base de DDT pour se débarrasser de la population d’araignée et qui est morte un an plus tard, les accidents de travail comme les agriculteurs qui plongeaient accidentellement leur main dans le concentré de pesticides et mourrait en l’espace d’une heure suite de convulsion, mais aussi des enfants qui ont trouvé un sac dans lequel était entreposé des pesticides et qui eurent de grave soucis de santé voire en sont mort. Les preuves que tu as su montrer ont été catégoriques et pour la première fois quelqu’un montrait du doigt Monsento, c’était une femme et cela créa le mouvement de l’écologie.
La question environnementale soulevé pour la première fois
Après avoir lu ses lignes le gouvernement ne pouvait qu’agir, le peuple s’est soulevé, ton livre a été lu des millions de fois et a soulevé pour la première fois la question environnementale. À partir de ce moment, l’écologie était encrée dans toutes les têtes et cela insuffla de nombreux chercheurs à dénoncer, à trouver de nouvelles façons de faire.
Car comme tu le disais si bien dans le Printemps Silencieux :
“Des incidents tels que celui de l’Illinois soulèvent une question morale autant que scientifique : une civilisation peut-elle mener une guerre sans merci contre des vies sans se détruire elle-même et sans perdre jusqu’au droit de se dire “civilisée” ?”
Comparatif des méthodes
Dans ton livre Rachel, tu as également montré les différentes méthodes, donné des solutions durables. Un petit clin d’oeil à la Permaculture ;). Tu montrais déjà qu’en travaillant avec la nature et non contre la nature l’humain y trouvait son avantage. La guêpe était ainsi plus efficace contre le scarabée que le DDT et créait un équilibre avec une population de guêpe durable, année après année, ce qui coûtait moins de 10 cents par hectar contre environ 9$ par hectare pour l’insecticide. Mais l’insecticide était choisit à chaque fois.
Tu as montré également que les populations d’insectes dit “nuisibles” s’adaptaient, devenaient résistantes aux pesticides alors que le pesticide tuait l’ensemble des prédateurs de l’espèce non désirée. Balo non ?
Tu as montré la faiblesse de l’agriculture intensive et de la monoculture, montrée que des méthodes d’agricultures qui prenaient soin de la terre permettaient d’aussi bon rendement.
“La nature introduit une très grande variété dans les paysages, mais l’homme a développé une passion à la réduire.”
La permaculture, la solution
En 1975 Masanobu Fukuoka écrivait “La révolution d’un seul brin de paille”, une personne que tu aurais sans doute voulu connaître. Dans son livre ils démontrent qu’une agriculture propre est possible, qui tient compte de la nature et qui permette de nourrir les hommes avec les mêmes rendements que l’agriculture intensive. Le premier pas de la Permaculture est lancé avec cet agriculteur japonais (1913-2008). Le terme et le concept de Permaculture fut mis en place dans les années 70 par Bill Mollison et David Holmgren en Australie. Aujourd’hui des fermes naissent un peu partout, la ferme du Bec Hellouin se met à former quiconque le souhaite, des initiatives naissent un peu partout, des villages mettent à disposition des terrains, les villes tendent à se végétaliser et créer des espaces verts “comestibles” sans pesticides, et pourtant la vente de pesticides (substances actives) ne s’est jamais aussi bien portée +20% de progression entre 2018 et 2019 alors que l’agriculture biologique a fait un bon de +17% la même année. La permaculture n’est pas encore la norme, mais elle arrive dans nos rayons, tout comme la biodynamie.
Du biologique dans nos cosmétiques
Enfin, l’agriculture biologique se retrouve également dans nos cosmétiques.
Dans ton livre à un endroit tu citais également les perturbateurs endocriniens présents dans nos cosmétiques. Aujourd’hui les produits cosmétiques biologiques se sont largement répandues, mais nous avons encore beaucoup à apprendre de la nature, car naturel ne veut pas forcément dire inoffensif et c’est ce que nous avons appris en créant Liv. Un premier défit lancé pour protéger les futures générations et ceci dès leur développement.
>>>> Pour en savoir plus : Grossesse et perturbateurs endocriniens : où sont-ils ? comment les éviter ?
Extrait de l’introduction d’Al Gore au “Printemps Silencieux”
“En 1992, un jury d’Américains distingués a choisi Printemps silencieux comme le livre ayant eu la plus grande influence depuis ces cinquante dernières années. À travers ces années et tous les débats sur la réglementation, ce livre continue d’être la voix de la raison qui vient perturber la complaisance généralisée. Il a attiré l’attention de l’industrie et des gouvernements sur les enjeux écologiques, mais également l’attention de l’opinion publique. Je dirais même qu’il a fait pencher la démocratie américaine du côté de la Terre. Chaque jour davantage, le pouvoir du consommateur va s’exercer contre la pollution des pesticides, même lorsque le gouvernement ne le fait pas. La réduction des pesticides dans la nourriture est devenue un outil de marketing, en plus d’être un impératif moral. Le gouvernement doit agir, mais le peuple peut aussi décider.
(…) Quelques-uns ont emprunté cette route; mais très peu ont emporté le monde avec eux comme Carson l’a fait. Son travail, la vérité qu’elle a mise au jour, la science et la recherche qu’elle a inspirées, valent non seulement comme des arguments éclatants en faveur de la réduction de l’usage des pesticides, mais aussi comme la preuve fulgurante de la faculté d’un seul individu à faire la différence.”
Al Gore
¹ : Fertilité : nos futures générations en danger? Science et Santé 36. INSERM. Mai-Juin 2017 pages 25 à 35
² Rapport Planète Vivante Océans Espèces, habitats et bien-être humain WWF. 2015
³ Rapport Planète Vivante 2018 : Soyons ambitieux. WWF 2018
⁴ FAO et ITPS. 2015. État des ressources en sols du monde – Résumé technique Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et Groupe technique intergouvernemental sur les sols, Rome, Italie
⁵ Documentaire : Une vérité qui dérange (An Inconvenient Truth) – Al Gore 2006 53min08
Pour aller plus loin
- Livre Printemps silencieux, Rachel Carson 1962
- Documentaire Le Monde selon Monsanto 2008 Marie-Monique Robin
- Documentaire Une vérité qui dérange Al Gore 2006
- Documentaire Les moissons du futures 2012 Marie-Monique Robin
- Livre Les dessous de l’alimentation bio 2017 Claude Gruffat
- Documentaire Terra, Michael Pitiot, Yann Arthus-Bertrand 2015
- Magazine trimestriel Yggdrasil 2019 – 2022
Women Writer : Deborah
Deborah défend l’écologie, le bio et la biodiversité depuis de nombreuses années. Fatiguée de décrypter des listes d’ingrédients pour ses proches, de voir que le marketing surpasse bien trop souvent la législation ou la sécurité de la future maman, Deborah est habitée par une volonté de fer de changer les choses en commençant par ce qu’elle sait faire de mieux : la cosmétique bio de demain.